Ce qui suit a pour objet d’apporter un éclairage aux sociétés commerciales dans l’affectation et la distribution des résultats sur les plans juridiques, comptables et fiscaux. Le code civil français définit, dans son article 1832, la société comme suit : « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter des biens à une entreprise commune en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. De même, ils s’engagent à contribuer aux pertes ».
Dans les mêmes termes, le Dahir des Obligations et des Contrats (DOC) définit la société dans son article 982 comme étant « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail, ou tous les deux à la fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».
Cet article ne soulève pas explicitement le problème de la contribution des associés aux pertes. Toutefois, d’autres articles du Dahir des Obligations et des Contrats mettent l’accent sur le fait que les associés cherchent à partager le bénéfice tout en s’engageant à contribuer aux pertes, le cas échéant. En effet, l’article 1033 stipule que « la part de chaque associé dans les bénéfices et dans les pertes est en proportion de sa mise. Lorsque la part dans les bénéfices est seule déterminée, la même proportion s’applique aux pertes, et réciproquement. En cas de doute, les parts des associés sont présumées égales ».
Le résultat net de l’exercice qui apparait au bilan fait l’objet d’un projet d’affectation à soumettre aux associés avant l’expiration du sixième mois qui suit la clôture de l’exercice. L’affectation du résultat est influencée par les dispositions légales, les clauses statutaires ainsi que par la volonté des associés réunis en assemblée générale ordinaire pour statuer sur les comptes de la société et l’affectation du résultat.
Dans la limite du bénéfice distribuable, les statuts prévoient généralement l’attribution d’un dividende minimal, appelé premier dividende ou intérêt statutaire, complété d’un superdividende appelé aussi second dividende. Le résultat de l’exercice peut aussi être une perte qui doit être reporté à nouveau, ou imputé sur les réserves ou sur le capital social.
Le projet d’affectation est présenté dans un tableau appelé « Tableau d’affectation du résultat » qui donnera ensuite lieu à des enregistrements comptables.
Affectation des résultats des sociétés commerciales
Bénéfice distribuable
Selon l’article 330 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes, « le bénéfice distribuable est constitué du bénéfice net de l’exercice, diminué des pertes antérieures ainsi que des sommes à porter en réserve par application de l’article 3295 et augmenté du report bénéficiaire des exercices précédents ».
De ce fait, le bénéfice distribuable est égal à:
bénéfice net de l’exercice
+ Reports à nouveaux des exercices antérieurs
– Dotation à la réserve légale
– Dotation à la réserve statutaire
– Dotation à la réserve facultative
Report à nouveau
Il représente la quote-part du résultat non affectée par l’assemblée générale. Le report à nouveau peut être bénéficiaire (Compte 1161 «Report à nouveau (solde créditeur) »), comme il peut être déficitaire (Compte 1169 «Report à nouveau (solde débiteur) »).
Le report à nouveau bénéficiaire représente une partie du bénéfice dont l’assemblée générale a renvoyé l’affectation à la décision de l’assemblée générale appelée à statuer sur le résultat de l’exercice suivant, pour l’affecter soit en tant que dividendes, soit aux réserves. Le report à nouveau bénéficiaire se distingue des réserves par son caractère temporaire.
Le report à nouveau déficitaire représente la perte constatée à la clôture de l’exercice et qui n’a été imputée ni sur les réserves ni sur le capital et qu’on espère absorber par les bénéfices des exercices suivants.
Réserve légale
Les réserves sont en principe des bénéfices nets affectés durablement à l’entreprise jusqu’à décision contraire des organes compétents. La constitution de la réserve légale est prévue par le Dahir des Obligations et des Contrats dans son article 10386 et par l’article 329 de la loi sur la SA.
Dans les sociétés par actions, et les sociétés à responsabilité limitée, une fraction de 5% du bénéfice net de l’exercice diminué, le cas échéant, des pertes antérieures, doit obligatoirement être prélevée pour être affectée à la formation d’un fonds de réserve appelé « réserve légale »7.
La réserve légale, à l’instar du capital social, assure que la société possède un patrimoine minimal qui constitue une sorte de garantie pour les tiers créanciers de la société. Le taux de 5% est appliqué au bénéfice net de l’exercice diminué, le cas échéant, des pertes antérieures reportées à nouveau (Reports à nouveau SD). Les bénéfices antérieurs reportés à nouveau (Reports à nouveau SC) ne subissent pas le prélèvement de 5% pour la constitution de la réserve légale car ils l’ont déjà subi lors d’un exercice antérieur.
Ce prélèvement cesse d’être obligatoire lorsque le montant de la réserve légale excède le dixième du capital social. Le montant à considérer pour le calcul du seuil de 10% comprend l’intégralité du capital social y compris le capital non appelé et le capital amorti.
Par ailleurs, le capital social servant de calcul de la limite de la réserve légale est le capital existant au moment du prélèvement. Ceci implique les conséquences suivantes :
- Lorsque la réserve atteint le dixième du capital social et en cas d’augmentation du capital social, la dotation à la réserve légale doit se poursuivre jusqu’à ce qu’elle atteigne 10% du nouveau capital.
- Dans le cas d’une réduction du capital social et si la réserve légale a atteint 10% du capital, non seulement il n’y a pas lieu de prélever la réserve légale, mais la fraction de la réserve légale qui excéderait 10% du capital social après réduction, devient disponible et l’assemblée générale pourrait lui donner une autre affectation.
Les autres réserves
En plus de la réserve légale, il y a lieu de prélever d’autres réserves. Ces dernières désignent les sommes d’argent se rapportant à des bénéfices non distribués c’est-à-dire conservées par la société dans la perspective d’assurer la croissance de son actif économique sans recourir à des tiers. Les autres réserves les plus courantes sont les réserves statutaires et les réserves facultatives.
Les réserves statutaires
Ce sont des réserves prévues par les statuts et prennent le caractère d’obligation conventionnelle ; elles doivent être obligatoirement dotées lors de l’affectation du résultat. En effet, les statuts précisent le montant de la dotation obligatoire ou, tout au moins, la formule permettant de déterminer ce montant.
Les réserves facultatives
Les statuts laissent, le plus souvent, la liberté à l’assemblée générale ordinaire d’affecter tout ou partie des bénéfices aux réserves facultatives. Celles-ci ne sont facultatives qu’eu regard de la loi et des statuts. En effet, les réserves facultatives sont souvent nécessaires et même indispensables pour développer le financement de l’entreprise. Elles sont, entre autres, destinées à :
– Constituer et développer le fonds de roulement de la société,
– Accroitre les immobilisations,
– Assurer une certaine constance des dividendes,
– Amortir le capital,
– Faire face à des pertes éventuelles.
L’assemblée générale a la libre disposition des réserves facultatives et peut les distribuer. Elle a aussi parfois la disposition des réserves statutaires. Toutefois, la réserve légale doit rester intacte comme une garantie complémentaire pour les créanciers.
En conséquence, les sommes distribuables sont constituées par le bénéfice distribuable, majoré éventuellement des réserves dont l’assemblée générale a la libre disposition : réserves statutaires, réserves facultatives et report à nouveau bénéficiaire ( Les sommes reportées seront rajoutées au résultat de l’exercice suivant pour la détermination du bénéfice distribuable de cet exercice.).
Les dividendes
Par dividendes, on entend dire la quôte-part du bénéfice attribuée aux associés. Ils se composent de deux fractions:
- Le premier dividende, appelé aussi intérêt statutaire, est calculé sur le montant libéré et non remboursé des actions ou parts sociales. Les actions amorties n’ont donc pas droit au premier dividende. Le calcul de l’intérêt statutaire se fait de la même façon que l’intérêt d’un emprunt, c’est à dire sur la base d’un taux d’intérêt et au prorata du temps du montant du capital libéré et non remboursé. Cependant, à la différence de l’intérêt d’un emprunt qui doit être versé en toute circonstance, l’intérêt statutaire n’est versé que si le montant du bénéfice distribuable le permet.
- Le superdividende est la fraction du dividende attribuée aux associés en sus du premier dividende. Son montant est identique pour toutes les actions (ou parts sociales) d’une même société, que ces actions soient libérées ou non, amorties partiellemnt ou totalement.
CHRONOLOGIE DE DISTRIBUTION DU BÉNÉFICE
Après l’apurement des pertes des exercices antérieurs et l’attribution de la réserve légale dans la limite exigée par la loi, la distribution des dividendes doit respecter la chronologie suivante:
Part à attribuer aux actions jouissant de droits prioritaires ou d’avantages particuliers:
C’est le cas des actions à dividende prioritaire sans droit de vote prévues par les articles 261 et suivant de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes. Les titulaires d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote qui ne peuvent représenter plus du quart du capital social, bénéficient des droits reconnus aux autres actionnaires, à l’exception du droit de participer et de voter aux assemblées générales des actionnaires de la société.
Les actions à dividende prioritaire sans droit de vote donnent droit à un dividende prioritaire prélevé sur le bénéfice distribuable de l’exercice avant toute autre affectation. Si le dividende prioritaire ne peut être intégralement versé en raison de l’insuffisance du bénéfice distribuable, celui-ci doit être réparti à due concurrence entre les titulaires d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote.
Le droit au paiement du dividende prioritaire qui n’a pas été intégralement versé en raison de l’insuffisance du bénéfice distribuable est reporté sur l’exercice suivant, et s’il y a lieu, sur les deux exercices ultérieurs. Ce droit s’exerce prioritairement par rapport au paiement du dividende prioritaire dû au titre de l’exercice.
Le dividende prioritaire ne peut être inférieur ni au premier dividende ni à un montant égal à 7,5% du montant libéré du capital représenté par les actions à dividende prioritaire sans droit de vote. Ces actions ne peuvent donner droit au premier dividende.
Après prélèvement du dividende prioritaire ainsi que du premier dividende au profit des actions ordinaires, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote ont les mêmes droits que les actions ordinaires.
Lorsque les dividendes prioritaires dus au titre de trois exercices n’ont pas été intégralement versés, les titulaires des actions correspondantes acquièrent, proportionnellement à la quotité du capital représenté par ces actions, un droit de vote égal à celui des autres actionnaires.
Fixation d’un premier dividende
Le premier dividende est prévu par les statuts et est attribuable aux actions ordinaires. Il est calculé sur le montant libéré et non remboursé du capital social.
Détermination du superdividende après l’affectation des autres réserves et du report à nouveau
Le superdividende s’ajoute au premier dividende pour constituer le dividende global qui constitue la part du bénéfice distribuable attribué aux actionnaires en rémunération de leurs apports. La différence entre les deux types de dividendes se situe au niveau du mode de calcul et la détermination des bénéficiaires.
En effet, contrairement au premier dividende, le superdividende est une somme d’argent attribuée à toutes les actions sans distinguer si elles sont libérées ou non, remboursées ou non. C’est ainsi que les actions de jouissance, représentant un capital amorti, n’ont pas droit au premier dividende mais perçoivent le superdividende.
ASPECTS COMPTABLES DE L’AFFECTATION DES RÉSULTATS
La comptabilisation de l’affectation de résultats se fait conformément aux dispositions statutaires et aux décisions des assemblées générales retracées dans des procès verbaux.
Affectation d’un résultat bénéficiaire
A la réouverture des comptes le 1/1/N+1, le résultat net de l’exercice N est mis en instance d’affectation en attendant la réunion de l’assemblée générale qui statuera sur l’affectation du résultat.
Le jour de la tenue de l’assemblée générale, le report à nouveau bénéficiaire est rajouté au résultat net de l’exercice( Viré le 1/1/N+1 au crédit du compte résultat net en instance d’affectation)pour être affectés aux réserves, dividendes,…
Lorsque le report à nouveau est déficitaire, il est déduit du résultat net de l’exercice et seul le solde est affecté aux réserves, dividendes,…
A la date de mise en paiement des dividendes ou de leur inscription en comptes des actionnaires, le compte 4465 est annulé par le crédit du compte 4457 : Etat impôts et taxes à payer et du compte 5141: Banque (cas de mise en paiement) ou 4468: Autes comptes d’associés créditeurs (cas d’inscription en compte).
A: Bénéfice net de l’exercice écoulé tel qu’il figure au bilan établi le 31/12/N et tel qu’il est déterminé à partir des produits et charges de l’exercice écoulé N. Ce bénéfice est viré le 1/1/N+1 au crédit du compte Résultat net en instance d’affectation (SC) jusqu’à son affectation décidée lors de l’assemblée générale réunie avant le 1/7/N+1.
B: Intégration du report à nouveau bénéficiaire dans la masse distribuable.
C: Imputation des pertes antérieures (Report à nouveau déficitaire) avant toute distribution.
D: Dotation à la réserve légale de 5% du bénéfice après imputation des déficits antérieurs.
E: Constitution des réserves statutaires suivant les conditions prévues par les statuts.
F: Dotation aux réserves facultatives des sommes décidées par l’assemblée générale.
G: Dividendes bruts à payer aux actionnaires: Intérêt statutaire + Superdividende.
H: Reliquat non distribué.
I: Retenue à la source de la taxe sur les produits des actions.
J: Dividendes nets à mettre en paiement ou à inscrire en comptes des actionnaires.
Affectation d’un résultat déficitaire
Le résultat déficitaire de l’exercice N est viré, le 1/1/N+1, au débit du compte 1189: Résultat net en instance d’affectation.
A la date de l’assemblée générale, le résultat déficitaire est viré au débit du compte 1169: Report à nouveau (SD)
RÉGIME FISCAL DE L’AFFECTATION DES RÉSULTATS
Le régime fiscal des produits des actions ou parts sociales se base sur le statut juridique du bénéficiaire (personne physique ou personne morale).
Imposition des personnes physiques
Les produits des actions ou parts sociales distribués par les sociétés ayant leur siège au Maroc et relevant de l’impôt sur les sociétés sont soumis à l’impôt sur le revenu par voie de retenue à la source.
Le fait générateur de la retenue à la source est constitué par l’encaissement des produits, leur mise à disposition ou leur inscription au compte du bénéficiaire. La retenue à la source est obtenue par l’application du taux de 15% au montant brut des produits assujettis. Elle est opérée par les sociétés distributrices ou les établissements bancaires délégués par ces sociétés.
Imposition des personnes morales
Les produits générés par le portefeuille titres de la société constituent des produits financiers et sont comptabilisés normalement à l’instar de tous les autres produits. Fiscalement, ces produits sont par conséquent pris en considération pour la détermination du bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés et sont assujettis au même taux d’imposition auquel la société est soumise.
TABLEAU DE RÉPARTITION DU RÉSULTAT
Le processus de répartition du bénéfice adopté par l’assemblée générale ordinaire est retracé dans un document appelé tableau de répartition du résultat qui se présente généralement comme suit:
je vous remercie infiniment
j’ai bien compris le budget de trésorerie, la répartition du résultat de l’exercice et d’autre leçon mes salutations les distinguées