L’actionnaire de l’entreprise cotée comme l’analyste financier externe disposent d’une source d’information considérable : la valeur boursière de l’entreprise. Celle-ci est indépendante des contraintes propres au cadre comptable qui privilégie une valeur historique figée : le montant des fonds propres en fin d’exercice. La mesure boursière n’est pas sans inconvénients techniques. Dans la mesure où elle s’inscrit dans la dynamique temporelle du cours de bourse, celui-ci fluctue et avec lui la mesure de la rentabilité. Quel cours de bourse privilégier dans le temps ? Quelle mesure du résultat retenir, le bénéfice passé ou le bénéfice futur prévu ?
La rentabilité financière boursière se calcule en prenant au dénominateur la valeur boursière de l’entreprise, c’est-à-dire sa capitalisation.
Capitalisation boursière = Nombre d’actions émises X Cours de bourse.
On a donc :
Rentabilité boursière =Bénéfice net/Capitalisation boursière
Bénéfice par action
Une notion plus parlante souvent utilisée est le bénéfice par action, ou BPA :
BPA= Bénéfice net/Nombre d’actions
De telle sorte, la rentabilité boursière peut aussi s’écrire :
BPA/Cours de l’action
La grande difficulté dans la mise en œuvre du calcul de la rentabilité boursière est le choix des données. Pour le cours de l’action, l’analyste financier externe se réfère classiquement au dernier cours, ou au cours constaté le 31 décembre.
Le calcul du BPA est de loin plus délicat car l’intérêt pour l’analyste boursier est d’aboutir à une conclusion concernant le titre qui va s’exprimer en recommandation d’achat ou de vente. La mesure du bénéfice par action passée est donc insuffisamment prospective, il s’en contentera par défaut.
La mesure la plus pertinente est celle fondée sur le BPA prévisionnel, c’est-à-dire le bénéfice par action estimé de l’année en cours, voire de l’année suivante.
Il existe dans cette optique sur l’ensemble des marchés boursiers mondiaux des bureaux et des sociétés d’analyse financière qui procèdent à des estimations des bénéfices prévisionnels des entreprises et des groupes cotés.
Ces prévisions font elles-mêmes l’objet d’une comparaison afin de dégager un consensus moyen des prévisions de la communauté des analystes financiers pour isoler la tendance d’appréciation. Ces prévisions moyennes sont elles mêmes suivies et affichées.
Price Earning Ratio (PER)
L’analyse boursière utilise très systématiquement la notion de multiple cours/bénéfice, plus connue sous son nom anglo-saxon de « Price Earning Ratio », en abrégé PER. Celui-ci est le rapport du cours de bourse sur le bénéfice par action de l’entreprise. Il apparaît, en fait, comme l’inverse de la rentabilité financière boursière.
PER = Cours de l’action/ BPA passé ou en cours = 1/Rentabilité boursière
Le PER joue un rôle considérable dans l’analyse boursière. Il est dans la pratique davantage utilisé que la rentabilité boursière. Le PER s’apprécie comme le nombre d’années de bénéfice que les investisseurs sont prêts à payer pour acquérir l’action. Par exemple, on dira que les acheteurs sont prêts à payer 15 fois le bénéfice de telle société.
Le Price Earning Ratio exprime en un seul chiffre la valorisation appliquée par l’ensemble des intervenants d’un marché à une entreprise donnée. Ce coefficient d’évaluation est extraordinairement variable car il exprime le cas particulier d’une entreprise.
Dans la pratique, on trouve des PER qui varient de 5 à 50, voire dans certains cas de 100. Un chiffre de 100 signifie que les investisseurs sont prêts à attendre 100 ans (sans actualiser) avant de récupérer leur investissement initial ! Bien évidemment si le BPA de l’entreprise augmente, ils recouvriront leur mise bien plus tôt.
Ceci explique d’ailleurs cela. Une augmentation prévisible du BPA justifie une hausse du cours de bourse et donc explique un PER élevé. Un bénéfice par action en hausse de 10 % par an sur 10 ans, actualisé à un taux de 15 % donne un PER de 7. Si la hausse prévue est de 15 %, le Price Earning Ratio est de 9.
Les déterminants du PER
Divers éléments globaux ou particuliers influencent le niveau des PER.
– La conjoncture économique globale joue un rôle important. En période de croissance et d’expansion économique, les PER sont élevés. Inversement, en récession ou en cas de crise économique, les PER sont historiquement bas. Cette influence est particulièrement nette sur les marchés boursiers américains et asiatiques. À certaines période d’euphorie, le Price Earning Ratio de nombreuses sociétés japonaises a ainsi dépassé 200 ! La crise asiatique de 1997 s’est traduit par une sévère correction boursière avec un retour des PER des sociétés japonaises à un niveau de 30 à 50. Cet exemple permet de souligner les spécificités locales de certains marchés boursiers sur lesquels les PER sont traditionnellement élevés par rapport aux autres bourses quoi qu’il advienne. C’est le cas du Japon qui est structurellement « cher » en termes de PER.
– Le niveau des taux d’intérêts est lié au Price Earning Ratio par une relation inverse traditionnelle : des taux d’intérêts bas (élevés) correspondent à des PER élevés (bas). L’explication tient logiquement à l’exigence de rendement des actionnaires. En période de taux d’intérêt élevé, les actionnaires souhaitent une rentabilité supérieure de leurs investissements pour que le risque spécifique d’actionnaire par rapport à la situation du prêteur continue à être bien rémunéré. D’où une hausse du rendement exigé, et donc inversement une baisse des PER.
– Le taux de croissance futur des BPA est la variable clé qui explique le niveau du PER d’une entreprise donnée. Un PER élevé est la marque de sociétés qui ont un fort potentiel de croissance économique. L’acheteur au travers d’un PER élevé est prêt à acheter cher une société qui va offrir à l’avenir des BPA futurs en croissance régulière et forte. À l’inverse, des perspectives de croissance faible se traduisent par un PER plutôt bas. À ce niveau, le secteur d’activité joue un rôle car les perspectives économiques de croissance ne sont pas les mêmes selon que l’on considère, par exemple, le secteur des télécommunications ou des nouvelles technologies et celui des industries de base.
– Le risque de l’entreprise est pris aussi en compte car les investisseurs privilégient une croissance régulière et fiable du BPA futur (qui correspondra donc à un PER élevé) par rapport à des prévisions incertaines et/ou des évolutions irrégulières qui expriment un risque d’activité ou de management.
L’utilisation du PER par les analystes boursiers s’effectue sur la base d’une application simple du PER, coefficient multiplicateur, à un BPA prévisionnel. On obtient ainsi un objectif de cours.
Cours prévu = PER x BPA prévisionnel
Le PER est, pour sa part, estimé sur une base historique ou actuelle.
Exemple:
Le cours actuel de l’action de la société XYZ est de 150 euros. Le Price Earning Ratio de l’entreprise calculé sur les dernières données est de 10. L’analyste financier estime que ce PER est cohérent avec les perspectives d’entreprises semblables du secteur. Il pense que XYZ justifie un PER de 10 à 11. Le BPA prévisionnel devrait, après étude économique, se situer à 17 ou 18 euros par action (en hausse d’environ 15 % par rapport à l’année précédente).
Il peut ainsi calculer une fourchette de cours prévisionnels :
– cours minimum prévu : 10 x 17 = 170 euros ;
– cours maximum prévu : 11 x 18 = 198 euros.
Il émettra donc une recommandation d’achat avec une objectif de prix de 170 à 200 euros dans 1 an.
Le tableau suivant présente les valeurs moyennes historiques atteintes en 1990 et en 2000 au plus fort d’un cycle boursier à la hausse, sur les principales places boursières mondiales.
PER moyens et marchés boursiers mondiaux
Les autres ratios boursiers
La notion de performance
Elle vient compléter le calcul de la rentabilité financière boursière qui présente un caractère trop instantané en lui donnant la mise en perspective d’une durée d’investissement. La performance est l’accroissement de valeur d’un investissement que cela se traduise par des gains encaissés ou des plus-values non réalisées.
Les dividendes touchés par l’actionnaire sont l’illustration même de gains boursiers effectivement perçus. Cette performance boursière s’exprime en pourcentage sur une durée de temps séparant un instant t (date d’acquisition des actions ou d’évaluation précédente) et t+1 (date de vente ou date d’évaluation actuelle).
Performance = (P t+1 – Pt + Dividendes) /Pt
Cette performance est historique si Pt + 1 est un prix de marché constaté effectivement. Il s’agira d’une performance prévisionnelle si Pt + 1 est une anticipation de prix futur.
Le rendement dividende de l’action (ou rendement courant)
C’est le rapport du dividende versé sur le cours de l’action.
Rendement courant = Dividende par action (+ Avoir fiscal)/Cours de l’action
Il exprime le gain effectivement touché par l’actionnaire, les plus-values restant potentielles tant que l’action n’est pas cédée. Pour un investisseur individuel, l’avoir fiscal est un crédit d’impôt qui peut être ajouté au dividende. Il faut se souvenir que, dans le cas général, les rendements courants des actions cotées sont faibles ; ils sont souvent compris entre 1 et 2 % du cours. Encore sont-ils plus élevés en France qu’aux États-Unis ou au Japon.
Le taux de distribution
Dans le cas d’entreprises non cotées, souvent familiales, le rendement courant joue un rôle très important car l’inexistence de marché secondaire liquide ne permet pas de concrétiser facilement les plus-values sur actions. Dans l’optique d’un minoritaire qui peut difficilement « sortir » de l’entreprise, ou d’un majoritaire qui ne veut pas « sortir » pour ne pas perdre le contrôle, le rendement courant devient une préoccupation très aiguë. Il s’agit de la rentabilité perçue.
Selon la santé financière de l’entreprise, selon sa rentabilité globale, selon la pression de l’actionnariat (en particulier dans les groupes), le rendement courant pourra être plus ou moins élevé.
Dans certains cas, on pourra atteindre 5 %, voire 10 %, des capitaux propres. Il faut cependant préciser que dans le cas de sociétés non cotées, il s’agit d’un rendement courant apparent calculé sur des fonds propres comptables qui n’ont pas forcément le sens d’une valeur des capitaux investis par les actionnaires.
Dans de tels cas, on calculera plus utilement le taux de distribution des bénéfices (pay out ratio) qui exprime bien l’arbitrage entre distribution des bénéfices aux actionnaires et rétention en réserve par l’entreprise.
Taux de distribution =Dividendes nets/ Bénéfice net ou Dividende par action/BPA
Le « Price to book ratio » et le ratio Q de Tobin
Enfin, un diagnostic complémentaire utile de la rentabilité peut être obtenu en comparant les valeurs comptables et les valeurs de marché de l’entreprise.
Plutôt que de considérer qu’il s’agit de deux démarches d’évaluation qui n’ont rien à voir, les ratios hybrides s’attachent à faire ressortir le poids des anticipations et de la dynamique future qui est intégré dans la valeur de marché en la comparant à une valeur comptable forcément historique.
Normalement, la valeur de marché doit être supérieure à la valeur comptable si les performances anticipées sont bonnes. La différence est le reflet de la capacité de l’entreprise à créer de la richesse en plus, par rapport aux ressources dont elle dispose aujourd’hui et dont sa structure comptable rend compte.
Ce supplément de richesse est valorisé par les actionnaires qui en tirent profit. On distingue ainsi le price to book ratio et le ratio Q de Tobin.
Le price to book ratio est le rapport de la capitalisation boursière de l’entreprise divisé par sa valeur comptable d’actif net.
Valeur boursière/Valeur comptable des fonds propre
La valeur de ce ratio connaît de grandes différences selon les marchés boursiers et selon les entreprises. Il varie aussi au cours du temps. Une dégradation relative par rapport au marché est une indication d’une révision à la baisse des anticipations de création future de richesse pour les actionnaires, dont l’analyste recherchera les causes : stratégies ou absorption risquées, exposition à la conjoncture… Inversement, en cas d’amélioration relative du price to book ratio. En soi, la simple connaissance du niveau de ce ratio ne suffit pas.
Le ratio Q de Tobin procède d’une approche semblable. Il évalue les performances anticipées en considérant ensemble des capitaux investis, c’est-à-dire les capitaux propres et les dettes financières.
La valeur de marché au numérateur reprend la valeur boursière des actions et l’évaluation, en fonction des taux d’intérêt disponibles, des dettes financières. Au dénominateur les capitaux permanents sont repris comme évaluation comptable des ressources économiques investies.
Q = Valeur de marché des actions et des dettes financières / Valeur comptable des capitaux investis
L’interprétation se fait de la même manière que celle du price to book ratio. Un Q de Tobin supérieur à l’unité signifie que l’entreprise crée de la valeur.