Le cycle d’exploitation correspond au déroulement de l’activité régulière et récurrente de l’entreprise. Cette régularité entraîne des conséquences financières permanentes car couramment renouvelées. La prise en compte de cette dynamique dans l’analyse financière est assurée par la notion centrale de besoin de financement d’exploitation (BFE), encore appelé besoin en fonds de roulement. Ce concept clé est indispensable à la compréhension de la dynamique de flux financiers dans l’entreprise. Son apparition dans les 1970 a constitué un apport manifeste de l’analyse financière à la finance d’entreprise.
Comme souvent en matière d’analyse financière, la mesure du BFE est effectuée à l’aide de l’information comptable. Toutefois pour mieux prendre en compte la profondeur temporelle des besoins financiers liés au cycle d’exploitation, il est nécessaire de recourir à une analyse au travers des délais d’écoulement. Le calcul des ratios de rotation répond à cet objectif. Enfin, la description de scénarios permettra d’illustrer les types de dynamique du BFE.
Les ratios de gestion
Les ratios de gestion sont indifféremment appelés ratios de rotation ou ratios de délai d’écoulement. Un ratio de rotation mesure le nombre de fois qu’un élément de stock d’actif ou de passif est renouvelé au cours d’un exercice. Un délai d’écoulement est la durée, c’est-à-dire la fraction d’exercice, que met un élément de stock pour se renouveler. L’un est donc tout simplement l’inverse de l’autre. Il est identique de dire qu’un stock « tourne » quatre fois par an ou que son délai d’écoulement moyen est de trois mois.
Un ratio de rotation est le rapport d’un flux mesuré pendant une période sur un encours de stock. Un ratio de délai d’écoulement est donc un encours de stock divisé par un flux multiplié par un facteur de proportionnalité pour exprimer ce ratio, non pas en fraction de période, mais en jours ou en mois. Il est d’usage, parce que c’est plus parlant, d’exprimer les délai d’écoulement en jours sur la base d’une année financière de 360 jours :
Délai = (Encours de stock /Flux pendant l’exercice) × 360
On calcule usuellement trois ratios de délai d’écoulement concernant les grands types d’emplois et de ressources liés au cycle d’exploitation :
- l’écoulement des créances clients ;
- le délai moyen des dettes fournisseurs ;
- le délai d’écoulement des stocks.
Délai d’écoulement des créances clients
Les créances clients à prendre en considération sont le total net des créances à l’actif (poste clients et comptes rattachés) augmenté des effets escomptés et non échus (EENE) et diminué des éventuelles avances clients au passif. Au dénominateur le respect du principe d’homogénéité conduit à prendre le flux des ventes toutes taxes comprises. On rappelle que les clients sont facturés TTC et figurent donc TTC à l’actif du bilan( Pour obtenir les ventes TTC, on utilise le taux moyen pondéré de TVA s’appliquant sur le chiffre d’affaires.)
((Clients Avances– clients)/Ventes) TTC × 360 Délai en jours
La valeur du ratio est un délai moyen et global sur l’ensemble des clients de l’entreprise. Si la politique de crédit clients est homogène, la valeur du ratio permet de retrouver la politique de crédit de l’entreprise. Cependant si les délais de paiements sont différents selon les types de clientèle, le ratio calculé globalement ne permet pas de suivre l’évolution de la politique de crédit, et donc la qualité de la gestion de l’entreprise par type de clientèle.
Exemple:
Une entreprise commerciale vend ses produits à deux clientèles différentes : elle fait un mois de crédit aux particuliers et trois mois aux détaillants revendeurs. Étant donné l’équilibre des ventes aux deux catégories, le délai moyen de crédit accordé est de deux mois. En elle-même, cette durée est un amalgame difficile à interpréter. Un analyste financier qui calculerait ce même ratio pour l’année suivante, et trouverait un mois et demi, ne saurait que conclure. La diminution globale du crédit à la clientèle peut être due à une politique volontaire de réduction des délais de la part de l’entreprise (donc à un acte de gestion), à un glissement de structure de sa clientèle en faveur des particuliers, ou aux deux causes à la fois.
Cela signifie aussi qu’une stabilité globale du délai moyen de crédit clients peut être le résultat de mouvements contraires : par exemple, une dégradation de durée occultée par une modification de la structure du CA. Un train peut en cacher un autre. L’analyste financier qui souhaite interpréter l’évolution des ratios de rotation doit avoir accès à la répartition des ventes de l’entreprise au cours du temps.
Il faut enfin rappeler, concernant le délai moyen de crédit clients comme les autres ratios de gestion, que les données d’encours du dénominateur sont prises au bilan de l’entreprise. Cela peut être à l’origine de deux biais dans le résultat.
– Le premier est le biais de la période introduit par la date d’arrêté du bilan. Les créances clients au 31 décembre sont-elles représentatives du montant « normal » des créances clients pendant l’exercice ? En cas d’activité cyclique, la date d’arrêté peut se situer à un point haut ou à un point bas de l’exploitation. Dans le premier cas, le ratio sera biaisé positivement, dans le second cas il subira un biais négatif.
– Le développement global de l’activité de l’entreprise au cours d’un exercice, indépendamment du cycle, peut conduire les encours en fin d’exercice à ne pas être représentatifs des encours moyens tout au long du déroulement de l’exercice. Si l’activité de l’entreprise croît au rythme de 20 % par an, toutes choses égales par ailleurs, le stock final de créances clients (ou un autre stock) devra être supérieur au stock initial constaté en début d’exercice. Cela signifie que se référer au stock final biaise positivement le calcul des délais d’écoulement pour une entreprise en expansion (inversement, si une activité est en diminution). La méthode traditionnelle pour pallier le biais induit par la croissance est de retenir au dénominateur une valeur moyenne entre l’encours de créances (de dettes ou de stocks) au début et à la fin de l’exercice.
Délai d’écoulement des dettes fournisseurs
Les fournisseurs accordent des délais de règlement à l’entreprise ; ceux-ci sont mesurables en estimant leur durée moyenne à l’aide d’un ratio fondé sur le montant de ces dettes au passif. Au numérateur, on retiendra les encours des dettes fournisseurs (y compris les comptes rattachés), en se limitant aux fournisseurs réguliers d’exploitation. Les fournisseurs d’immobilisations peuvent aussi consentir des délais de paiement. Cependant, la logique dans ce cas n’est plus celle du cycle d’exploitation de l’entreprise, mais celle des décisions d’investissements.
Il faut tenir compte des avances consenties par l’entreprise à ses fournisseurs qui constituent pour elle des créances. Pour être homogène avec les encours de dettes envers les fournisseurs d’exploitation, le dénominateur est constitué par le total des achats et approvisionnements exprimés toutes taxes comprises.
((Fournisseurs d’expl. – Avances )/Achats TTC)× 360 = Délai en jours
Les mêmes limites et les même précautions que celles signalées lors du calcul du délai d’écoulement moyen des créances clients s’appliquent pour le délai de paiement des fournisseurs.
Délais d’écoulement des stocks
Il n’existe pas un délai moyen d’écoulement des stocks mais plutôt une articulation de plusieurs délais imbriqués dans l’entreprise. C’est la raison pour laquelle il est plus pertinent de calculer les différents délais correspondant à la nature différente des éléments stockés. Cette différenciation est utile tout particulièrement pour l’entreprise industrielle où on distingue des stocks de matières premières, de produits semi-ouvrés et de produits finis. Les différentes étapes du processus de production expliquent ces différents stocks. La durée du processus mis en œuvre est l’expression de choix concernant la technologie et l’organisation de la production dans l’entreprise. Le délai d’écoulement des stocks de matières premières ou de produits semi-ouvrés traduit aussi un comportement en matière de stockage. Dans certains cas, par exemple en anticipation d’une hausse des cours des matières premières et approvisionnements, l’entreprise procédera à un surstockage de précaution ou de spéculation. Les délais d’écoulement des stocks sont donc la résultante à la fois de décisions de gestion de production et de choix de politique d’approvisionnement de l’entreprise.
Le calcul du délai d’écoulement des stocks de matières premières (ou produits semi-ouvrés) fait intervenir au dénominateur la mesure du flux de sortie de stock ; il ne s’agit pas des achats (flux d’entrée), mais du coût d’achat des matières consommées. Ce coût est hors taxe ; les stocks étant évalués HT.
((Stocks de matières premières)/Coût d’achat des mat. cons. HT) × 360 = Délai en jours
Coût d’achat des matières consommées = achats de matières premières + stock initial matières – stock final matières
Les délais d’écoulement des stocks de produits finis dans l’entreprise industrielle, ou des marchandises dans l’entreprise commerciale, suivent une logique différente des précédents. Ils correspondent à la durée moyenne de réalisation des ventes. Cette durée recouvre deux éléments différents : la gestion logistique et la commercialisation. La première correspond au temps nécessaire pour assurer la disponibilité physique des produits et des marchandises sur les points de vente. La seconde correspond au temps nécessaire pour transformer un produit disponible en une créance sur un client. Ce délai moyen est la traduction directe des efforts commerciaux de l’entreprise : une dégradation, un allongement signifie des difficultés de commercialisation, des stocks invendus, voire un échec. L’analyste financier doit suivre avec rigueur l’évolution des délais d’écoulement des produits finis ou des marchandises ; ce ratio est un indicateur fidèle d’éventuelles difficultés commerciales (ou à l’inverse, de tensions dans l’approvisionnement).
Au dénominateur du ratio figure le flux de sortie des stocks :
– pour les marchandises non transformées, il s’agit du coût d’achat des marchandises vendues (CAMV),
– pour les produits finis, il s’agit du prix de revient des produits vendus (PRPV).
La valorisation du flux au coût d’achat ou au prix de revient est homogène avec l’évaluation des stocks qui s’effectue de la même façon. La difficulté est d’estimer le prix de revient des ventes dans l’entreprise industrielle à partir des données de la comptabilité générale. En toute rigueur, cette information relève de la comptabilité analytique à laquelle l’analyste financier externe n’a pas accès. Une approximation grossière consiste à prendre le montant des ventes et à en soustraire le résultat d’exploitation figurant dans le compte de résultat.
Les ratios d’écoulement des stocks de produits ou de marchandises s’expriment de la manière suivante selon le type d’entreprise :
• Entreprise industrielle :
(Stock de produits finis/PRPV)× 360 = Délai en jours
PRPV= Ventes HT – Résultat d’exploitation
• Entreprise commerciale :
Stock de marchandises/CAMV × 360 = Délai en jours
CAMV = Achats de marchandises + Stock initial – Stock final
À défaut d’un calcul de délais par nature de stocks, faut-il se contenter d’un ratio global de rotation de stocks ? Cette approximation est un amalgame composite dans une entreprise industrielle ou mixte. Elle est en revanche justifiée dans l’entreprise commerciale pure. Le grand inconvénient d’un ratio global est que, s’il permet d’élaborer un diagnostic d’ensemble, il ne permet pas d’en identifier les causes. C’est donc un ratio par défaut qui peut se calculer ainsi :
(Stocks globaux/ Ventes HT)x 360 ou mieux (Stocks globaux/ PRPV)x 360
Un ratio de rotation hors exploitation : le renouvellement des immobilisations corporelles
Les immobilisations corporelles de l’entreprise peuvent aussi faire l’objet d’une mesure de leur renouvellement. L’objectif est ici de faire ressortir le degré d’ancienneté ou au contraire de renouvellement des immobilisations corporelles. On sait que celles-ci donnent lieu à des amortissements qui se cumulent au bilan, constituant ainsi la mesure comptable de la dépréciation de ces actifs. Plus le cumul des amortissements est élevé, plus les équipements sont anciens. On utilise le ratio suivant :
Ce ratio est compris entre 0 et 1. Dans le premier cas, les équipements sont entièrement amortis et non remplacés. Dans le second cas, l’entreprise a investi et a procédé au renouvellement complet de son parc d’équipement. Ce ratio permet donc de faire ressortir la politique récente d’investissement productif de l’entreprise. Une valeur inférieure à 0,3 ou 0,4 signifie un outil de production vieillissant. Il convient, après un diagnostic, d’envisager un renouvellement.
Explications fluides. Bravo pour la présentation pédagogique que je trouve originale
et efficiente.
C’est du bon travail. merci à toute l’équipe de Tifawt.
grand merci a vous ( tifawt )