D’un point de vue technique, selon Robin COOPER, l’objet de la méthode du coût cible est d’identifier le coût de production d’un produit proposé de telle sorte que, lorsque le produit sera vendu, il fournira la marge de profit désiré.
D’un point de vue managérial, selon Yukata KATO, la méthode du coût cible est un système de gestion stratégique des profits intégrant un programme complet de réduction des coûts par les techniques d’« ingénierie de la valeur » (analyse de la valeur appliquée à des produits nouveaux) et la réduction de la diversité en conception et le « Kaisen de coût » (politique continue de réduction des coûts) en production.
Finalité et principe de la méthode des coûts cibles
Finalité
Du fait du raccourcissement de la phase de maturité des produits, leur profitabilité se joue de plus en plus lors des phases de planification et de conception (choix techniques) même si les coûts engagés ne deviendront effectifs que lors de la production.
La pratique du coût cible vise à optimiser les performances du produit sur l’ensemble de son cycle de vie dès la conception sachant que les coûts engagés pour cette conception ont un impact plus important sur les résultats futurs que sur les résultats présents.
Principe
La méthode des coûts cibles consiste à déterminer pour un produit quelconque un « coût objectif » à ne pas dépasser en raison du prix imposé par le marché et de la marge bénéficiaire prévue et définie par l’entreprise.
Elle repose sur la relation suivante :
Coût cible = Prix de vente – Marge bénéficiaire
Cette méthode des coûts cibles fut développée au Japon dans les années 80 dans l’industrie automobile.
Lorsque le coût estimé à priori ou coût préétabli est supérieur au « coût cible », les conséquences peuvent être envisagées :
- soit une modification du produit ou de sa composition (modification d’ordre technique),
- soit des changements dans les conditions d’approvisionnements et de fabrication (réduction des coûts).
La méthode du coût cible inverse les relations traditionnelles entre prix, coût et marge en considérant le coût comme une contrainte à priori qu’il faut absolument satisfaire pour réaliser ses objectifs stratégiques.
Déterminé, d’une part, par le prix de vente (PV) dont le niveau est imposé par la valeur du produit perçue par le client, d’autre part, par l’exigence de marge cible (Mc) engendrée par les choix stratégiques de l’entreprise, le coût cible (Cc) apparaît comme une contrainte à satisfaire.
A partir du coût estimé (Ce) évalué sur la base des compétences actuelles de l’entreprise, généralement supérieur au coût cible, la méthode du coût cible met en lumière et mesure l’exigence de progrès (EP) cohérente avec les ambitions et les possibilités techniques de l’entreprise.
EP = Ce – Cc
avec Cc = PV – Mc
et l’objectif EP = 0
Inscription de la démarche dans le cycle de vie du produit
La réduction de l’écart entre coût cible et coût estimé sur l’ensemble du cycle de vie du produit constitue le moteur de l’action en conception d’abord par l’ingénierie de la valeur (coût cible de conception), en production ensuite par le kaizen de coût (coût cible global).
PRIX DE VENTE CIBLE : à déterminer à partir d’études de marché intégrant l’ensemble du cycle de vie supposé du produit (prise en compte de l’évolution prévisionnelle du prix en fonction des phases du cycle).
MARGE CIBLE : à déduire de la planification stratégique des profits décomposée par produit. Là encore, il faut prendre en compte les phases du cycle pour décliner cette marge dans le temps. Il s’agit généralement d’une marge sur coûts spécifiques (hors coûts d’administration…).
COUT CIBLE GLOBAL : à décomposer au fil du déploiement de la méthode en coûts « cible » plus précis associés aux sous-ensembles voire aux composants.
COUT ESTIME INITIAL : à calculer sur la base de l’expérience et des compétences actuelles de l’entreprise.
Mise en œuvre de la méthode
Présentation générale de la démarche
Le coût cible d’un composant appelle les 8 étapes suivantes :
1. Évaluation du coût cible global du produit : à quelle valeur le client visé estime-t-il les services rendus par le produit (prix de vente cible) ? quelle part des profits planifiés alloue-t-on au produit sur sa durée de vie ?
A quel coût cible faut-il parvenir pour être cohérent ?
2. Analyse fonctionnelle du produit : quels besoins satisfait-il du point de vue du client ?
3. Définition de l’intérêt de chaque fonction : quelle importance le client visé attribue-t-il à chaque fonction ?
4. Valorisation des fonctions : Quelle part de la valeur totale représente chaque fonction compte tenu de son importance ?
5. Décomposition organique du produit : quelle contribution chaque composant apporte-il à la réalisation de chaque fonction ?
6. Détermination de l’intérêt de chaque composant : quelle coût devrait-on consacrer au composant compte tenu de sa contribution à l’ensemble des fonctions ?
7. Calcul du coût estimé : combien coûte chaque composant compte tenu des compétences actuelles de l’entreprise ?
8. Définition d’un indice de valeur par composant : le coût consacré à chaque composant est-il satisfaisant compte tenu de sa contribution à la valeur perçue du produit ?
Application commentée (lancement d’un nouveau stylo)
Évaluation du coût cible global
Il s’agit de réaliser des études de marché permettant d’apprécier les ventes potentielles et leurs prix à chaque phase du cycle de vie dont la durée est préalablement estimée.
EXEMPLE :
Durée de vie : 4 ans
Quantité vendables sur l’ensemble du cycle : 4,6 millions d’unités ;
Chiffre d’affaires prévisionnel correspondant : 78,2 millions d’Euros
Prix de vente cible : 17 € (en moyenne sur l’ensemble du cycle de vie)
Il faut ensuite se référer à la planification des profits incluse dans le plan stratégique et à sa déclinaison par ligne de produit en portefeuille, et par année (la plupart du temps, au niveau marge spécifique).
EXEMPLE :
Planification stratégique de la marge allouée sur 4 ans au nouveau stylo : 20,7 millions d’€uros
Marge cible : 4,5 € (20,7 millions / 4,6 millions)
COUT CIBLE GLOBAL : 12.5 €/(17 € – 4,5 €)
Analyse fonctionnelle
On fait à nouveau appel aux études de marché pour percevoir les différentes fonctions du produit ayant une valeur pour le client. On décompose souvent ces fonctions en fonctions techniques (liées à l’usage même du produit) et fonctions d’estime (liées à la marque, à des attributs de prestige…)
Définition de l’intérêt de chaque fonction
Remarquer qu’il est considéré que l’utilité du produit peut être décomposée en fonctions simplement additives (en d’autres termes, ce stylo s’il n’écrit pas conserve quand même 55 % de son intérêt…).
L’introduction des fonctions d’estime (prestige de la marque, symbole…) constitue une réponse à ce paradoxe.
Une autre réponse consiste parfois à faire des évaluations à la marge (combien le client est-il prêt à payer en plus pour disposer de telle fonction supplémentaire ou de telle amélioration à une fonction existante ?).
Valorisation des fonctions
Il s’agit de répartir le coût cible entre les fonctions en partant du principe que ce coût cible doit normalement correspondre à l’importance relative de la fonction précédemment déterminée.
Décomposition organique du produit
Cette étape consiste à identifier les principaux composants du produit et à apprécier leur contribution à chaque fonction perçue par le client. Elle aboutit à une matrice Composants/Fonctions.
Dans un premier temps, elle suppose la reconduction des caractéristiques techniques de produits existants.
Elle devient inapplicable si cette hypothèse n’est pas acceptable.
EXEMPLE :
Les éléments constitutifs sont rassemblés en 3 sous-ensembles de composants
- Traçage : ensemble des éléments allant du réservoir d’encre à la plume
- Corps : ensemble des éléments contribuant à la prise en main
- Capuchon : éléments de fermeture et d’accrochage
Détermination de l’intérêt de chaque composant
On pondère la contribution que le composant apporte à la fonction par l’importance que cette fonction représente pour le client ce qui détermine l’attention qu’il faudra apporter à ce composant pour assurer la satisfaction du client.
Exemple :
Calcul du coût estimé
On estime le coût de chaque composant et son poids dans le coût total estimé compte tenu des capacités techniques et des compétences de l’entreprise.
Au démarrage du projet, on travaille par analogie avec des produits existants ou par extrapolation de caractéristiques de produits existants (poids, volume…).
A mesure que le projet avance et que les spécificités du nouveau produit sont plus évidentes, on s’efforce d’évaluer directement le coût propre aux nouveaux choix effectués. L’analyse ABC est particulièrement pertinente à ce stade.
Définition d’un indice de valeur par composant
En rapportant l’importance du composant à son coût estimé, on détermine un « indice de valeur ». La valeur optimale de cet indice est « 1 » lorsqu’il y a cohérence entre le coût estimé d’un composant et sa contribution à la valeur perçue par le client.
Lorsque cet indice est sensiblement éloigné de 1 :
- par valeur inférieure : le composant pénalise la compétitivité du produit par un coût trop élevé compte tenu de sa contribution à la satisfaction du client ;
- par valeur supérieure : il faut se poser la question de savoir si l’on accorde suffisamment d’attention à ce composant compte tenu de sa contribution à la satisfaction du client.
Sans qu’il soit nécessaire que le coût estimé d’un composant corresponde à son importance (contribution à la valeur perçue), les gros écarts constitueront les points sur lesquels on s’attardera à titre principal pour réduire l’écart global.
Conditions de mise en œuvre et difficultés d’application
Des pratiques managériales orientées vers l’apprentissage organisationnel
Philippe LORINO remarque que les outils techniques du coût cible ne sont rien sans une pratique managériale adaptée. Le coût cible constitue une philosophie de gestion qui s’articule autour de 3 principes ;
- Transversalité et décloisonnement : la nécessité de mobiliser simultanément des compétences techniques, marketing et économiques exige un décloisonnement efficace entre fonctions et une véritable culture de coopération allant au-delà des frontières de l’entreprise (partenariat avec les fournisseurs) ;
- Orientation vers le marché : la gestion des coûts, en étant reliée aux objectifs de marché et de profit, entre dans le champ du pilotage stratégique dont elle constitue un mode essentiel d’intégration à l’action ;
- Orientation vers les opérations futures : l’ingénierie de la valeur en conduisant l’entreprise à investir ses ressources dans la gestion d’objets encore virtuels constitue une sorte d’« ingénierie de l’entreprise future ».
La mise en action de ces principes nécessite une maîtrise suffisante des exigences de tout apprentissage organisationnel : pratiques de communications impliquant l’acquisition de langages communs (formalisés ou non), formalisation des savoirs expérimentaux tacites, simulation technico-économique, construction de compétences nouvelles (analyse de la valeur, estimation de coûts).
Un management transversal instrumenté.
La méthode du coût cible ne s’accommode pas de la contractualisation individuelle des responsabilités (D.P.O…). Les expériences réussies révèlent la responsabilisation conjointe de plusieurs entités de l’entreprise (contractualisation globale et flexible, reconnaissance de l’aptitude à la coopération, gestion adaptée des carrières pour capitaliser l’expérience)
Le problème de la divisibilité de la valeur du produit
La méthode du coût cible fait l’hypothèse que la valeur globale d’un produit pour un segment de clientèle peut être décomposée en attributs indépendants et cumulatifs correspondant chacun à une fonction, niant ainsi le fait que certains attributs de cette valeur sont liés à son existence globale. Le recours à des « fonctions d’estime » ou a des évaluations différentielles ne constituent que des pis aller.
Un problème symétrique se pose au niveau de la décomposition organique du produit (décomposition de l’importance de chaque composant dans la satisfaction de chaque fonction).
Une difficile confrontation de référentiels internes et de référentiels externes
La méthode des coûts cible amène à confronter un référentiel de coût interne à travers les coûts estimés, généralement valorisés à partir de pratiques héritées des méthodes traditionnelles de calcul de coûts de revient (souvent fondés sur le coût de la main d’œuvre directe) et un référentiel externe à travers l’analyse de la valeur perçue par le client décomposée en fonctions du produits (liées aux activités déployées par l’entreprise).
L’application de la méthode ABC pour évaluer le coût estimé peut constituer une réponse au risque d’inadéquation entre les deux référentiels.
Le risque de comportements non pertinents
L’analyse des expériences concrètes d’application de la méthode révèle les risques suivants :
- des temps de développement plus long que prévu (par la priorité donnée à la recherche de baisse de coûts sur les objectifs de qualité et de tenue des délais) ;
une mise sous pression forte des personnels, source de stress ; - la banalisation des produits engendrée par la recherche du prix le plus bas (cas de NISSAN avant sa reprise par RENAULT) ;
- existence de conflits organisationnels entre les personnels de production (fortement concernés) et les autres (moins impliqués).
Une adéquation inégale aux différents secteurs d’activité
Deux critères semblent être favorables à l’usage de la méthode :
- des coûts de conception élevés associés à un cycle de vie court ;
- un process discontinu (industries d’assemblage : automobile, électronique…) qui rassemble la quasi totalité des expériences par rapport à un processus continu (industries de process : sidérurgie, papeterie…) où les expériences sont rares voire inexistantes.
Caractéristiques des couts cible
Fixation du prix de vente
Dans un contexte concurrentiel, le prix de vente du produit devient une contrainte imposée par le marché. L’entreprise dispose de peu de latitude pour le modifier (réseau de distribution, chaînes de magasins sous franchise, hypermarchés, …)
Exemple : prix public fixé par les fabricants (habillement, automobiles, électroménager, …)
Le prix de vente est fonction des quantités prévues pour la commercialisation. Cependant, il peut varier aussi en fonction de la période dans le cycle de vie du produit.
Détermination de la marge
La marge réalisée sur la vente de chaque produit contribue à la formation du résultat (bénéfice) de l’exercice pour l’entreprise. Cette marge peut varier en fonction des quantités produites et vendues et bien sûr de la période au cours du cycle de vie du produit.
Elle dépend à la fois du prix de vente et du coût du produit. Ainsi, une augmentation de marge est due :
• soit à une augmentation du prix de vente,
• soit à une baisse des coûts.
Évaluation du coût
L’innovation continuelle et le phénomène de l’obsolescence qui en découle, entraînent une réduction de la durée de vie des produits. Les coûts de revient sont de plus en plus élevés dans les phases suivantes : recherches appliquées, recherche développement, pré-études, conception de nouveaux produits, fabrication de prototype, lancement de la fabrication, frais de mise sur le marché, …
La méthode des « coûts cibles » nécessite par conséquent la prise en considération de ces différentes étapes et des charges correspondantes. Bien souvent, les « coûts estimés » sont supérieurs au « coûts cibles ».
Il est indispensable de procéder à l’optimisation de la conception du produit, de sa fabrication et de la commercialisation.
Exemples : équipements informatiques, téléphonie mobile, appareils audio visuels, …
Exemple : Énoncé et travail à faire.
Après étude de marché, une société envisage de mettre en fabrication et de vendre un nouvel appareil de photographie numérique professionnel très performant.
La stratégie commerciale prévue consiste à diminuer progressivement le prix de vente, pour faire face à la concurrence et pour augmenter les quantités vendues. Les dirigeants souhaitent connaître le « coût de revient cible » moyen de la période.
Les prévisions commerciales et financières sont les suivantes pour les 4 années à venir :
TRAVAIL A FAIRE : pour la période prévue :
1°) Quel est le montant de la marge moyenne en valeur, par appareil ?
2°) Quel est le taux moyen de marge par rapport au chiffre d’affaires ?
3°) Quel est le prix de vente moyen d’un appareil ?
4°) En déduire quel pourrait être le coût cible moyen d’un appareil ?
5°) Vérification des résultats obtenus et commentaires.
Correction de l’exemple:
Travail 1.
MARGE MOYENNE EN VALEUR PAR APPAREIL
=> Marge moyenne = Somme des marges / Quantité
=> Marge moyenne = 4 566 000 / 27 000 = 169,10 €.
Travail 2.
MARGE PAR RAPPORT AU CHIFFRE D’AFFAIRES
=> Taux moyen = Somme des marges / Chiffre d’affaires
=> Taux moyen = 4 566 000 / 22 300 000 = 20,47 %
Travail 3.
PRIX DE VENTE MOYEN D’UN APPAREIL
=> Prix de vente moyen = Chiffre d’affaires / Quantité
=> Prix de vente moyen = 22 300 000 / 27 000 = 825,92 €.
Travail 4.
COÛT CIBLE MOYEN D’UN APPAREIL
=> Coût cible = Prix de vente moyen – Marge moyenne
=> Coût cible = 825,92 – 169,10 = 656,82 €.
Travail 5.
VÉRIFICATION DES RÉSULTATS OBTENUS ET COMMENTAIRES
=> Marge moyenne = Prix de vente x Taux de marge
=> Marge moyenne = 825,92 x 20,47 % = 169,10 €.
Commentaires :
• Forte rentabilité les deux premières années (période de lancement) ;
• La baisse du prix de vente a les conséquences suivantes :
- augmentation des quantités vendues,
- augmentation du chiffre d’affaires,
- diminution de la marge.
• Prévoir le lancement d’un nouveau produit à partir de l’année 3.
Ce site me permet d’avoir plus de connaissance sur les coûts cibles
Bonjour je vous félicite du continu de votre site très riche mais j’aurai aimé des cours en gestion des ressources humaines.
Il existe de tres nombreuses methodes permettant de calculer des couts en comptabilite analytique. Nous ne presenterons que les principales d entre elles : la methode des couts complets, la methode des couts partiels, la methode du direct costing, la methode ABC et la methode des couts cibles. Directe (c-a-d qu il est possible de l affectation immediatement au cout d un produit, sans calcul prealable) ou indirecte (un calcul intermediaire sera necessaire afin de l affecter a un cout).