Droit privé : les sources du droit (cours partie 1)

Il s’agit de connaître les autorités et procédés techniques qui donnent naissance à ces règles générales dont l’ensemble forme le droit objectif. La loi constitue la principale source de ce droit objectif et ce qu’il s’agisse de la loi proprement dite (celle qui est votée par le parlement : ces lois sont désignées par les termes : textes législatifs) ou des règlements ou textes réglementaires qui émanent du pouvoir exécutif.

Les principales sources de droit marocain étant les lois et règlements, on peut légitiment se demander s’il existe d’autres sources en droit positif.

Ainsi peut on se demander si la coutume qui n’émane pas d’un corps constitué mais de simples pratiques populaires est elle une source de notre droit ? De même, au Maroc la religion n’étant pas séparée de l’Etat, peut on considérer les principes traditionnels du droit musulman comme des sources de droit ? Pour répondre à ces question, nous serons conduit à distinguer à travers deux chapitres, les sources traditionnelles et les sources modernes du droit marocain.

SOURCES TRADITIONNELLES DU DROIT

Le droit musulman

La vie moderne ne cessant d’engendrer des besoins nouveaux, on pourrait croire que la loi islamique n’est plus tout à fait adaptée aux conditions de vie actuelle des marocains. A l’exception de la Turquie ou de l’Albanie qui ont laïcisé leur droit et remplacé la loi coranique par des codes européens, la plupart des pays musulmans continuent à proclamer leur attachement à l’islam et au droit musulman dans leur codes, constitution ou lois (cas de la constitution marocaine du 7 octobre 1996 « royaume du Maroc est un Etat musulman et l’islam est religion d’Etat »). Malgré ce courant favorable au droit musulman, il reste que les régimes islamiques s’efforcent aux droits européens. S’agissant du droit marocain, la loi marocaine d’unification du 26 janvier 1965 a introduit d’importantes réformes et a réduit le domaine d’application du droit musulman classique. Si le droit musulman traditionnel constitue encore une source fondamentale de notre droit positif, c’est surtout en matière de statut personnel, familial et successoral et dans le cadre des immeubles non immatriculés que cette assertion peut se vérifier.

Principales innovations introduites par le code du statut personnel en 1957-1958 et en 1993

A deux reprises, la moudouana a fait l’objet de réformes : déjà en 1957-1958, puis en 1993 où les innovations introduites répondaient au souci d’améliorer davantage la condition juridique de la femme et des enfants mineurs.

Mais ce n’est que le 16 janvier 2004 qu’un nouveau code est adopté à l’unanimité par le parlement et un mois plus tard, il sera publié au bulletin officiel et son entrée en vigueur est immédiate. Mohamed VI dans son discours du 10 octobre 2003, abolit par un texte novateur des dispositions consacrant plusieurs siècles d’inégalités entre les hommes et les femmes.

Innovations introduites en 1957-1958
Age matrimonial et le consentement au mariage Age matrimonial :

Les rédacteurs ont voulus mettre fin aux mariages précoces qui risquent de nuire à la santé et scolarité de l’enfant. Ce sont ces préoccupations qui ont incité le législateur de 1957 à substituer au critère archaïque de la puberté (degré de développement corporel ou physique de l’individu), la notion d’âge moderne matrimonial (capacité de contracter mariage à 18 ans pour l’homme et 15 ans révolus pour la femme)

Consentement au mariage :

Le consentement des futurs époux est exigé de sorte que le père ne peut imposer le mariage à ses filles à n’importe quel âge. Donc le mariage n’est plus valable si ceux qui ont décidé de s’unir n’ont pas donné leur propre consentement.

Polygamie :

La femme a le droit de demander que son mari s’engage dans l’acte de mariage à ne pas lui adjoindre de coépouse et à lui reconnaître le droit de demander la dissolution du mariage au cas ou cet engagement serait violé. Si elle ne s’est pas réservée ce droit d’option et que le mari contracte un nouveau mariage, elle peut saisir le juge pour apprécier le préjudice que lui cause la nouvelle union.

Dot :

La dot est la propriété exclusive de la femme qui en a la libre disposition. Les biens dotaux ne sont donc plus attribués au père de la future épouse. De même, l’époux n’est pas fondé à exiger de sa future, un apport quelconque de meubles, literies ou effets vestimentaires en contrepartie de la dot convenue.

Tutelle dative :

Dans le cadre du droit musulman la tutelle peut être légale (exercée de plein droit par le père et à son décès par le cadi), ou testamentaire (désignation du vivant du père et par testament d’un tuteur à ses enfants incapables). L’innovation introduite par le code réside dans la suppression de l’exercice de la tutelle légale par la cadi et son remplacement par une tutelle dative. Autrement dit, la gestion des biens du mineur doit être assurée dans le cadre familial par un proche parent et non par le tuteur datif (mouquadam).

La répudiation :

Le législateur prive d’effet la réputation conditionnée par l’ivresse, la contrainte ou colère irrésistible, par l’accomplissement d’acte positif ou abstention.

De même, consacre la fin de la répudiation multiple ou répudiation innovée par trois. Ce sont celles qui se réalisent par une seule formule : elles sont prohibés ou ne valent que comme répudiation unique.

Enfin, en matière de dissolution de mariage, le législateur au sein de l’article 52 bis de la moudouana, à instauré une indemnité (don de consolation), dont le montant est fonction des ressources du ménage et du tort causé par le mari qui aura abusé de l’usage du droit de rompre unilatéralement le lien conjugal. Ce don est obligatoire.

Durée de grossesse :

La durée de grossesse est limitée à 1 an à compter du jour de la répudiation ou décès. Le législateur n’a pas non plus totalement abandonné la théorie de l’enfant endormie car en cas de doute, l’article 76 permet de prolonger la durée de grossesse mais cette prolongation ne sera accordée que par voie de justice ou suite à une expertise médicale.

Testament obligatoire :

Vise le cas de l’enfant qui décède avant le père ou en même temps que lui tout en laissant des descendants. Or les petits enfants n’ont aucun droit sur la succession du grand père. Ils ne peuvent revendiquer des droits successoraux que leur propre père n’avait pas reçus. Pour résoudre cet obstacle, le droit positif dans certains pays musulmans, a fait appel à une fiction juridique qui est celle du testament obligatoire.

On présume que le grand père manifesterait la volonté de disposer d’une partie de ses biens au profit de ses petits enfants. En effet tout musulman a le droit de disposer par testament du tiers de sa fortune et l’innovation consiste à faire de ce legs facultatif un legs obligatoire destiné aux enfants du fils précédé.

Les innovation introduites en 1993

En 1993 la moudouana a fait l’objet d’une nouvelle réforme ; le défunt roi Hassan II ayant souligné que la femme marocaine jouit de l’opportunité de prendre part de façon plus active au développement durable de la société.

Les conditions du mariage

La femme majeure dont le père est décédé, peut contracter mariage sans l’intervention du tuteur et le consentement de la future épouse est assorti de sa signature au bas de l’acte de mariage dressé par deux adouls. Obligation est faite aux époux de produire lors de la conclusion du mariage, un certificat médical attestant qu’ils sont indemnes des maladies contagieuses (MST).

Représentation légale des enfants :

La mère est pour la première fois investie de la tutelle légale mais cette tutelle est conditionnée car elle n’est admise à faire valoir cette tutelle qu’en cas de décès du père ou s’il est empêché pour cause d’aliénation mentale ou autre. De même, elle est limitée du fait que la mère ne pourrait aliéner valablement les biens de ses enfants mineurs que si elle obtient au préalable, l’autorisation du juge, gardien des intérêts matériels des enfants mineurs.

Garde des enfants :

Ce droit est partagé à égalité durant le mariage. Mais après la dissolution de ce dernier ou en cas de divorce, la garde revenait en priorité à la mère, à la grande mère maternelle ou autre selon l’ordre établi par la loi. Le père occupant le 13e rang. En 1993, tout en confirmant la priorité de la mère, la moudouana reconnaît au père la prééminence dans ce domaine sur les autres titulaires potentiels de ce droit en particulier la grande mère maternelle. La loi dans le même temps, permet à l’enfant de choisir le bénéficiaire de sa garde : dés 12 ans pour le garçon et 15 ans pour la fille.

Entretien des enfants :

La pension alimentaire est à charge du père ou de la mère si le père est insolvable et la mère fortunée ou lorsqu’il s’agit d’un enfant naturel. Cette pension est fonction des ressources du débiteur et des usages du milieu du bénéficiaire. L’abandon pécuniaire de la famille est réprimé par le code pénal (art 479-480 : 1 mois à 1 an de prison et amende de 200 à 2000 DH ou l’une de ces deux peines).

Divorce :

Les dispositions combinées des articles 179 et 5 du code de procédure civile et 48 de la moudouana, font du juge le conciliateur obligé entre les époux en cas de mésentente grave. La tentative de réconciliation constitue une étape judiciaire gracieuse indispensable. D’où l’autorisation du divorce par le juge ne peut avoir lieu que si la tentative de conciliation s’avère infructueuse. Dans ce cas le juge ordonne la consignation au tribunal d’une caution en garantie des obligations pécuniaires quoi découlent de la décision de divorce (pension alimentaire et don de consolation).

Création d’un conseil de famille :

L’article 156 bis prévoit auprès du juge, un conseil de famille pour l’assister dans sa mission relative aux affaires familiales. Le conseil de famille assure l’arbitrage en vue de dissiper les discordes graves entre époux si le divorce, répudiation sont à craindre. Emet des avis en matière de mariage, dissolution, pension alimentaire, représentations légales et procédures de statut personnel prévues par le code de procédure civile.

Nouvelles reformes :

Mohamed VI a révolutionné le statut de la femme marocaine qui va – presque – devenir l’égale de l’homme. Ce nouveau code rapprochera la femme marocaine de la tunisienne libérée et l’éloignera du monde algérien. Sur ce sujet sensible, qui fracture la société marocaine entre traditionalistes et « modernistes », le roi a tranché clairement en faveur de ces derniers. Le nouveau Code de la famille régit quatre grandes périodes de la vie conjugale : avant le mariage, le mariage, le divorce et ses suites. Il nous faut les décortiquées pour mieux cerner les réelles avancées mais aussi les lacunes des propositions de la commission.

Avant le mariage :

Age du mariage, égalité sans concession.
En effet, l’âge légal du mariage qui était de 15 ans jusqu’alors pour les filles, vient d’être fixé à 18 ans, consacrant ainsi l’égalité entre sexes. Dorénavant, un père désirant marier sa fille avant 18 ans, devra en formuler la demande auprès du juge du tribunal familial et justifier la nécessité de cette union.

Quant les femmes deviennent majeures !
La fin de la tutelle (wilaya), consacre l’entrée de la femme dans le monde des adultes. Majeure, cette citoyenne à 100%, jouira désormais d’une identité pleine et entière. A ce titre, elle pourra, dès sa majorité, être maîtresse de ses choix, exercer sa propre volonté et son libre consentement. Corollaire de cette majorité arrachée de haute lutte, plus besoin de la signature du père ou, si elle est orpheline, de son frère ou de son oncle pour se marier.

Le mariage :

Egalité des droits et devoirs :
Contracté devant le juge du tribunal familial, et non plus devant l’adoul ce dernier se voyant reléguer au rang de simple « rédacteur » jusqu’à présent, le mariage était défini comme « un contrat légal par lequel un homme et une femme s’unissent en vue d’une vie conjugale commune et durable », placée « sous la direction du mari » Dorénavant, la formule proposée parle d’un contrat légal par lequel un homme et une femme consentent à s’unir en vue d’une vie conjugale commune et durable » et ce, « sous la direction des deux époux ». Le changement de formule, lourd de conséquences, institue de fait, une égalité de droits et de devoirs entre conjoints.

Qu’est-ce à dire des Droits et des devoirs, pour l’un comme l’autre

C’en est fini de la notion « d’obéissance de l’épouse au mari ». La notion d’autorité ou de soumission tombe. Dorénavant, la femme a droit à la parole, être informé des décisions engageant le couple ou les enfants. Conséquence immédiate de cette nouvelle philosophie égalitaire, la suppression du devoir de « prise en charge » pour l’époux (l’épouse ne pourra plus invoquer cette raison comme motif de divorce). On parle dorénavant de responsabilité mutuelle ».

Deux chefs pour une même famille Les deux conjoints sont dorénavant responsables, au même titre. Ainsi, la bonne marche du foyer, tout comme l’éducation des enfants, incomberont à M. et Mme.

Du partage des biens

Autre nouveauté, l’institution du régime de la communauté pour les biens acquis pendant le mariage. Le rédacteur a introduit la possibilité pour les époux de se mettre d’accord, dans un document séparé de l’acte de mariage, sur la répartition des biens acquis au cours de leur union. Le but de cet acte séparé est de « définir un cadre pour la gestion et la fructification des biens acquis durant le mariage ». Ainsi, pour la première fois, une femme pourra récupérer, en cas de divorce, les biens qu’elle aura achetés. Tout le problème sera de prouver qui a acheter quoi. Or, l’avant-projet évoque, en l’absence d’accord, le fait de recourir pour le juge « aux moyens généraux de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun des époux et les efforts qu’il a accomplis en vue du développement des biens de la famille ».

Mais qu’est-ce que cela signifie ? à titre d’exemple, le juge considèrera-t-il le travail de la femme au foyer comme une contribution à l’enrichissement du couple ? Rien n’est moins sûr, puisqu’en parlant de « moyens généraux de preuve », il est ici clairement fait référence au Dahir des Obligations et Contrats (DOC). Or, ce dernier ne parle pas de « contribution morale » mais seulement matérielle. La règle étant qu’un justificatif, une facture ou un témoin doit être produit pour chaque somme supérieure à 250 DH. Ainsi, tout reposerait sur la bonne volonté de monsieur à mettre au nom de madame certains biens acquis, pour que celle-ci, dans le cas où elle n’a pas de ressources propres, puisse les garder après le divorce.

Le polygamie toujours de mise

Interdite ou pas ? En fait, ni l’un ni l’autre. Disons que cette atteinte flagrante à la dignité de la femme va se trouver soumise à des conditions draconiennes telles, que sa pratique en sera rendue difficile. Tout d’abord et dans tous les cas de figure, le polygame devra en demander l’autorisation au juge des Affaires familiales. Autorisation qui lui sera donnée s’il arrive à prouver la nécessité qu’il a de prendre une seconde épouse ou si le juge établit qu’il a les moyens d’entretenir les deux épouses, et donc de garantir à chacune tous ses droits, dont l’égalité de traitement, la pension alimentaire et le logement. La polygamie est également interdite si le mari s’est engagé, lors du mariage, à ne pas le faire. Ces conditions précitées visent donc à mettre un sérieux frein à une pratique, déjà tombée en désuétude.

Quoi qu’il en soit, si l’époux indélicat est « exigible » à la polygamie, le juge est tenu de justifier l’autorisation qu’il a accordé. Cette décision n’est pas susceptible de recours. Le rédacteur, voulant limiter autant que possible le recours à cette pratique anachronique, a cependant prévu une procédure stricte. Entre autres, la convocation par le juge de la première épouse comme de la future afin de les informer de leurs nouvelles destinées. L’épouse originelle peut alors demander le divorce pour « préjudice subi » et l’obtiendra assorti d’un montant correspondant à ses droits et à ceux de ses enfants.

Le divorce :

Quand l’homme veut divorcer : Il peut quand il veut, et cela s’appelle encore répudiation. Changement notable, ce n’est pas vers un adoul qu’il doit se diriger, mais vers un tribunal et ce sera au juge de donner l’autorisation pour que l’acte de divorce soit consigné par des adouls. Avant de statuer, le juge doit impérativement convoquer l’épouse pour une tentative de réconciliation mais il n’est à aucun moment mentionné que le mari doit justifier sa demande de répudiation.Dans la nouvelle version, l’homme se voit obligé de s’acquitter de « tous les droits dus » à l’épouse et aux enfants, avant l’enregistrement du divorce, et s’il n’en a pas les moyens, il devra renoncer à la répudiation.

Quand la femme veut divorcer : Pour la femme, il n’est toujours pas question de « répudier » son mari – sauf si le droit d’option (al isma) a été stipulé sur le contrat de mariage. Donc, si la femme a le droit d’option – ce qui est donc exceptionnel – elle peut elle aussi s’adresser au juge, qui essaiera de réconcilier les deux conjoints. Si la tentative de réconciliation échoue, le tribunal autorise l’épouse à demander la consignation du divorce et statue sur ses droits et ceux de ses enfants stipulés dans l’article 84.

Quels autres recours a l’épouse en cas de volonté de séparation ?

Les mêmes qu’avant, et c’est toujours aussi compliqué : pour avoir son divorce, il faut qu’il y ait préjudice. Lequel ? Là aussi, flou total : « Est considéré comme préjudice justifiant le divorce tout acte ou comportement infamant émanant de l’époux ou contraire aux bonnes moeurs portant un dommage matériel ou moral à l’épouse la mettant dans l’impossibilité de continuer la vie conjugale », dit-on dans l’article 94. Le harcèlement moral est-il un « comportement infamant » ? Le viol conjugal ? L’alcoolisme ? La violence ? Rien n’est précisé, d’autant plus que plus loin, et là aussi rien n’a changé, la femme est dans l’obligation de prouver qu’il y a eu préjudice. Sauf que, et il est important de le signaler, la proposition a quand même ouvert une brèche : il est stipulé clairement que dans le cas de l’impossibilité de prouver le tort, l’épouse peut « recourir à la procédure de désunion » (Chiqaq), qui lui permet de ne pas avoir à prouver quoi que ce soit mais de se dire dans l’impossibilité de continuer de vivre avec son mari.

Dans quels autres cas la femme peut-elle demander le divorce ?

En cas de manquements à une des conditions stipulées dans le contrat de mariage par les deux conjoints (la polygamie par exemple) et autre nouveauté de taille avancée dans le projet, l’épouse ne peut demander le divorce pour défaut d’entretien que si elle-même est dans l’incapacité financière. Logique, puisque le nouveau texte la consacre définitivement comme un être majeur capable de se prendre en charge elle-même et que de ce fait, elle n’est plus dépendante moralement et financièrement de son mari.

Le divorce consensuel :

Les conjoints ont à se présenter devant un juge et lui faire part de leur volonté de rompre leur union sacrée. Il essaiera alors, pour la forme, de les réconcilier, et si sa tentative ne marche pas, il enregistrera le divorce. Reste que le divorce « consensuel » moyennant compensation est maintenu. Ce qui signifie, de ce fait, qu’on continue à reconnaître à l’homme le droit de monnayer la demande de divorce de sa femme. Quant à elle, elle continuera à payer le prix fort pour sa liberté. Seul changement dans l’histoire : si la femme n’est pas d’accord sur la somme demandée par le mari – qui peut atteindre des millions –, elle peut en référer au tribunal, qui, lui, évaluera la contrepartie du divorce en fonction du montant de la dot, de la durée du mariage, des raisons justifiant la demande du « khol ». Sauf qu’une fois de plus, si le mari n’est pas d’accord sur la somme proposée par le tribunal, il peut toujours se rétracter et refuser le divorce.

Après le divorce :

Un habitant décent et correspondant à leur niveau de vie doit être obligatoirement assuré à la mère et à ses enfants avant l’enregistrement du divorce. La commission a décidément tenu à ce que l’intérêt de l’enfant soit pris en considération. Et pour preuve :

A la séparation de ses parents, l’enfant ayant l’âge de 15 ans révolus, a la possibilité de choisir d’être confié soit à son père soit à sa mère et ce, qu’il soit fille ou garçon.

Grande révolution pour les mères divorcées : la femme conserve la garde de son enfant même après son remariage. En effet, son remariage n’entraîne pas la déchéance de son droit de garde.

Paternité : « Si la fiancée donne des signes de grossesse, l’enfant est rattaché au fiancé, pour rapports sexuels par erreur ». Pour que l’enfant soit rattaché au fiancé, il faut que les familles des fiancés soient au curant des fiançailles de leurs rejetons, qu’il soit établi que la « fauteuse » est tombée enceinte lors de la période des fiançailles et que le « fauteur » reconnaisse avoir semé des grains d’amour dans le ventre de sa promise. Dans le cas contraire, et grande nouveauté, celle-ci peut recourir aux « moyens de preuve légale » pour prouver sa filiation.

Héritage : une brèche est ouverte

En effet, la proposition veut que les petits-enfants du côté de la fille héritent de leur grand-père au même titre que les petits enfants du côté du fils. MRE : Marocains Ressortissants Etrangers : Vers un mariage civil ?

La réforme de la Moudouana prévoit en effet que les MRE peuvent conclure leur mariage « en conformité avec les procédures administratives locales ». Seule contrainte : la présence de deux témoins musulmans. Qu’est ce à dire ? Pour que le mariage soit valide, le jeune couple disposera de 3 mois pour déposer une copie de l’acte auprès des services consulaires dont relève la circonscription où l’acte a été conclu ou, s’il n’y a pas de consulat, envoyer cette copie au ministère des Affaires Etrangères.

Adouls : Les nouveaux aides judiciaires La création rapide des tribunaux de famille et la mise en place d’une formation spéciale pour ces juges des affaires familiales est plus que jamais mise en avant dans le cadre de la réforme. Or, la principale fonction des adouls était de juger de la conformité des actes à la charia. Ainsi les référentiels religieux demeurent mais en instituant des tribunaux, certains estiment que l’on passe d’une prégnance du religieux à une sécularisation douce. Pour d’autres encore, les adouls ne seront plus que des aides judiciaires, de simples exécutant en charge de la rédaction des actes. L’avenir et l’application de ce nouveau code nous le diront.

Permanence du droit musulman classique :

Traits caractéristiques de la moudouana :

Famille :

La seule famille légitime, reconnue et protégée par le droit positif se réduit à la famille légitime fondée sur les liens de sang ; ce qui revient à exclure de la famille, les enfants naturels et adoptifs.

Filiation naturelle :

L’enfant naturel bénéficie de droits importants dans le cadre des législations européennes, ce qui rapproche son statut de celui de l’enfant légitime. La moudouana ne rattache pas pour sa part, l’enfant à son père et aucun des effets découlant normalement de la filiation légitime. C’est dire que l’enfant naturel ne peut ni se présenter à la succession ni réclamer quoi que ce soit à son père. Les autres effets de la filiation sont aussi exclus : droits et devoirs du père envers l’enfant, droit de rechercher le père.

La seule concession faite par la moudouana aux naissances irrégulières, concerne les rapports de l’enfant avec sa mère : « la filiation illégitime rattache l’enfant à sa mère comme la filiation légitime en raison du lien naturel » art 83 alinéa 2.

Adoption :

En droit marocain, l’enfant adoptif n’est pas lié à ses parents adoptifs par les liens di sang. L’adoption n’a aucune valeur juridique et n’entraîne aucun des effets de la filiation.

Cette position de principe est légèrement atténuée par une pratique qui consiste par testament à disposer librement d’une partie de ses biens (limité au tiers disponible) en faveur de l’enfant adopté : c’est ce que l’on appelle l’adoption de récompense ou testamentaire.

Kafala ou prise en charge des enfants abandonnés :

Est considéré comme susceptible de bénéficier des faveurs de la loi, l’enfant qui n’a pas atteint 18 ans et qui se trouve :
– Nés de parents inconnus, et avoir été retrouvé en un lieu quelconque.
– Etre orphelin et ne disposant pas de moyens légaux de substance.
– Avoir des parents incapables d’en assurer protection et éducation pour des raisons de force majeure indépendantes de leur volonté.
– Avoir des parents dissolus n’assumant pas leur responsabilité de protection et d’orientation en vue de les conduire dans la bonne voie.

La kafala des enfants déclarés abandonnés par jugement est confiée soit à des institutions publiques chargées de la protection de l’enfance ou à des organismes de caractère social reconnus d’utilité publique, soit à des époux musulmans mariés depuis au moins 3 ans et remplissant les conditions de moralité, santé et de solvabilité. Ces entités ou personnes bénéficiaires de la kafala, sont tenus de par la loi, de veiller à l’exécution des obligations relatives à la protection de l’enfant abandonné en assurant son éducation et en subvenant à ses besoins essentiels jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 20 ans.

Dissolution du mariage (se reporter aux dispositions prévues par la moudouana dernière mouture). Dévolution successorale :
– Le part héréditaire de la fille est de moitié inférieure à celle du garçon.
– De même, les droits successoraux de la mère suite au décès de l’un de ces enfants sont souvent inférieurs à ceux du père.
– La part de la veuve ne dépasse pas de moitié la part dévolue au veuf.

Evolution du domaine d’application du droit musulman :

Aujourd’hui ce n’est plus la doctrine mais la loi positive qui constitue la principale source du droit musulman. Au Maroc, notre code de nationalité de 1958, tout en réservant le cas des israélites marocains a décidé que le code du statut personnel régissant les marocains musulmans s’applique à tous les nationaux. Le champ d’application du droit musulman tend de plus en plus à s’étendre à tous les nationaux, abstraction faite de leur confession.

Quant aux étrangers résidant au Maroc, s’ils sont de confession islamique, le dahir du 24 avril 1959 décide que les étrangers musulmans résidant au royaume ne peuvent être régis que par la moudouana. C’est ce qui résulte d’une jurisprudence constante de la cour suprême. Les autres étrangers qui ne sont pas de confession musulmane, restent soumis à leur propre loi de statut personnel et cette loi étrangère ne peut être appliquée au Maroc que par des tribunaux marocains.

Ainsi en matière successorale, de statut personnel et de droit familial, le droit musulman est une source essentielle de notre droit positif mais aussi une source dont le domaine d’application s’est élargie. Seulement cette conclusion est moins vrai en ce qui concerne d’autres matières (le droit des contrats, droit commercial ou la législation pénale) ou le droit musulman semble au contraire accuser une régression au profit de la législation dite moderne.

Droit coutumier

Source la plus vivante et qui traduit au mieux les besoins et aspirations des citoyens : elles procèdent directement et spontanément des pratiques populaires.

La coutume ou orf est une règle de droit découlant d’une pratique ancienne, d’un usage qui s’était prolongé dans le temps. La coutume comporte donc un élément matériel : c’est la pratique prolongée dans le temps et un élément psychologique : c’est la croyance populaire au caractère obligatoire de l’usage. La règle se transmet de façon orale et c’est pourquoi on présente le droit coutumier comme un droit non écrit. D’ailleurs le DOC ou la moudouana se réfèrent souvent à la coutume, orf, us et coutumes et usages des gens de la région ou du milieu social dans lequel on vit.

Dans toutes ces hypothèses, c’est la loi positive qui donne droit de cité à la coutume.

La suite du cours dans le chapitre 2 : sources  modernes du droit .

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