Les dispositions qui suivent ne concernent que les transactions avec des États n’appartenant pas à la zone « euro ». Lors de leur entrée dans le patrimoine de l’entreprise, les créances et les dettes exprimées en devises font l’objet d’une conversion en euros au cours du jour de l’opération. À la clôture de l ‘exercice, leur valeur d’inventaire s’obtient par conversion en euros sur la base du cours du jour de la clôture. Cette valeur doit figurer au bilan.
La valeur comptable est alors ajustée à l’aide de comptes spécifiques :
– 476 – « Différences de conversion – Actif » en cas de perte latente ;
– 477 – « Différences de conversion – Passif » en cas de gain latent.
Une provision pour pertes de change (compte 1515) doit être dotée à concurrence des pertes latentes, dans le respect du principe de prudence.
Cependant, dans cinq cas, lorsque les circonstances suppriment en tout ou partie le risque de perte, la réglementation comptable prévoit un calcul particulier de la provision pour pertes de change.
Ce traitement particulier conduit à une minoration du montant de la provision. Selon les cas, cet aménagement est obligatoire ou optionnel. La solution retenue doit être explicitée et justifiée dans l’annexe.
Minoration obligatoire
1 – Opération principale assortie d’une opération de couverture
« Lorsque l’opération traitée en devises est assortie par l’entité d’une opération symétrique destinée à couvrir les conséquences de la fluctuation du change, appelée couverture de change, la provision n’est constituée qu’à concurrence du risque non couvert. ,,
2 – Emprunt en devises destiné à l’acquisition d’une immobilisation dans le même pays
» Lorsqu’un emprunt en devises, sur lequel est constatée une perte latente, est affecté à l’acquisition d’immobilisations situées dans le pays ayant pour unité monétaire la même devise que celle de l’emprunt, ou à l’acquisition de titres représentatifs de telles immobilisations, il n’est pas constitué de provision globale pour la perte latente attachée à l’emprunt affecté. ,,
Le PCG est peu explicite sur ces points. Aussi, la doctrine apporte quelques précisions.
• Situation 1
La couverture de change est une technique qui consiste à conclure une transaction en devises en sens contraire de la transaction à couvrir ; il peut s’agir d’un achat/vente à terme de devises, d’un emprunt/prêt en devises remboursable en même temps que l’opération à couvrir…
Si le cours de la devise à l’échéance est fixé dès le départ, l’opération devient une opération en euros, qui échappe au mécanisme prévu.
La présence d’une couverture de change conduit à utiliser des comptes transitoires spécifiques :
– 4768 – « Différences de conversion – Actif compensées par couverture de change » ;
– 4778 – « Différences de conversion – Passif compensées par couverture de change ».
La provision est limitée au risque non couvert.
• Situation 2
La position du PCG se justifie dans la mesure où l’entreprise contracte une dette en devises et devient propriétaire d’un actif également exprimé en devises.
À la clôture de chaque exercice, la provision pour pertes de change est limitée au montant suivant :
Perte latente sur l’emprunt x t/T
avec t = Durée courue de 1’emprunt ou du bien ;
T = Durée totale de l’emprunt ou durée de vie du bien ;
en retenant à chaque fois la plus faible des deux (durée de l’emprunt ou du bien).
Minoration optionnelle
3 – Opérations à échéances voisines
«Lorsque pour des opérations dont les termes sont suffisamment voisins les pertes et les gains latents peuvent être considérés comme concourant à une position globale de change, le montant de la dotation peut être limité à l’excédent des pertes sur les gains.»
4 – Emprunt en devises plus avantageux qu’un emprunt en euros
«Lorsque les charges financières liées à un emprunt en devises sont inférieures à ce qu’elles auraient été si l’emprunt avait été contracté en monnaie nationale, le montant de la dotation annuelle au compte de provision peut être limité à la différence entre ces charges calculées et les charges réellement supportées. »
5 – Opérations affectant plusieurs exercices
«Lorsque les pertes latentes sont attachées à une opération affectant plusieurs exercices, l’entité peut procéder à l’étalement de ces pertes · »
• Situation 3
Il s’agit du traitement de la « position globale de change » ; la définition de cette dernière peut être ainsi précisée :
– « termes voisins » : en général, situés à l’intérieur d’une même décade, le choix est laissé au chef d’entreprise ;
– une note du CNC, datée de novembre 1 987, préconise un traitement devise par devise.
• Situation 4
Dans ce cas, la provision pour pertes de change sera limitée au montant suivant :
(Charge d’intérêt théorique) – (Charge d’intérêt réelle)
avec « charge d’intérêt théorique » = charge d’intérêt que l’on aurait supportée si l’emprunt avait été contracté en euros. Ainsi, la charge globale comptabilisée (intérêts réels + dotation) est plafonnée à la charge d’intérêts que l’on aurait supportée en empruntant en euros.
À la clôture de chaque exercice, les charges financières se calculent en cumul depuis l’origine de l’opération.
• Situation 5
Cette situation concerne des opérations de financement à long terme : la prise en compte immédiate d’une perte latente de change importante pourrait fausser le résultat de l’exercice initial. Cette perte peut résulter d’un cours de clôture excessivement défavorable par rapport à l’évolution attendue de la devise. L’opération concernant plusieurs exercices, il semble logique que les conséquences défavorables sur la présentation du bilan soient étalées dans le temps.
Le choix du mode d’étalement pose problème. Une répartition linéaire indépendante de la nature de l’opération financière peut s’avérer préférable pour la compréhension des utilisateurs des comptes.
Compte tenu de l’absence de précisions du PCG, il convient d’utiliser prudemment cette possibilité. Les dirigeants de l’entreprise doivent toujours justifier les modalités de l’étalement pratiqué.
Le futur règlement comptable de l’ANC concernant les instruments financiers pourrait supprimer cette opportunité de minoration.
Remarques:
Créances douteuses libellées en devises : seule la partie saine de la créance fait l ‘objet d’un calcul d’écart de conversion. La dépréciation se calcule sur la partie douteuse convertie au cours historique.
En général, les traitements dérogatoires prévus par la réglementation comptable ne sont appliqués qu’aux créances et dettes exprimées dans une devise « forte ».
Application:
La société Mondial SA a réalisé, pendant l’exercice N (qui coïncide avec l’année civile), certaines opérations avec les États-Unis :
1 . Achat de marchandises pour 20 000 USD (dollars), le 10 décembre N, payable en dollars le 10 février N+1 . En couverture de change, l’entreprise souscrit le 10 décembre N un emprunt négociable en devises, de même terme, de 15 000 USD.
2. Emprunt auprès de la Chase Manhattan Bank de 1 0 000 USD, le 1 er juillet N ; cet emprunt est remboursable en bloc dans cinq ans ; taux d’intérêt : 4 % l’an, intérêts payables au 31 décembre de chaque année pour les intérêts courus. En France, le taux applicable au même type d’emprunts est de 5,5 %.
3. Emprunt auprès de la Banque de Philadelphie de 50 000 USD, le 1 er décembre, à 4,25 % l’an, remboursable en cinq ans par annuités constantes et la première fois le 1 er décembre N+1 . Cet emprunt permet d’acquérir une construction située à Philadelphie, d’une valeur de 1 OO 000 USD (date d’achat : le 1 er décembre N, durée d’amortissement : 20 ans).
4. Emprunt auprès de la Banque de Chicago de 60 000 USD, le 1 er juillet N, remboursable en totalité au bout de trois ans. Les conditions financières sont analogues aux conditions pratiquées en France (taux d’intérêt : 5,5 %).
Tous les versements liés aux emprunts sont à effectuer en dollars.
À la clôture de l’exercice N, les dirigeants de la société Mondial SA choisissent d’appliquer systématiquement les dérogations prévues par le PCG en matière de constitution de la provision pour pertes de change (étalement prorata temporis sur la durée de l’emprunt pour la dernière opération).
Par ailleurs, la société Mondial SA dispose d’un en-cours de dettes et de créances commerciales avec le Japon, toutes contractées en yens le 1 5 décembre N et arrivant à échéance dans la deuxième quinzaine de janvier N+1 :
– créance de 500 000 JPY (yens) sur le client Futatsu ;
– dette de 200 000 JPY envers le fournisseur Hitori ;
– créance de 800 000 JPY sur le client Takushi.
Cours de L’USD en euros (par hypothèse)
Cours du JPY (par hypothèse) :
– le 1 5 décembre : 0,92800 € pour 1 OO JPY ;
– le 31 décembre N : 0,80500 € pour 1 00 JPY.
Pour les dirigeants de la société Mondial SA, les opérations avec le Japon peuvent constituer une position globale de change.
1 . Effectuer le calcul de la provision pour pertes de change nécessaire au 31 décembre N pour chaque cas envisagé.
2. Procéder aux enregistrements comptables adéquats (mise à jour des créances/ dettes et des provisions) au 31 décembre N, opération par opération.
Corrigé de l’exercice:
1 . Évaluation des provisions pour pertes de change au 31 décembre N
Opération 1
Opération assortie d’une couverture de change ; minoration obligatoire. Les 3/4 de la dette font l’objet d’une opération de couverture ; la provision est limitée au risque non couvert :
5 000 USD x (0,90200 € – 0, 78700 €) = 575 €
Opération 2
Emprunt plus avantageux qu’un emprunt en euros ; minoration optionnelle retenue.
Charge globale sur l’opération :
Intérêts courus : 1 0 000 USD x 0,90200 € x 4 % x 6/1 2 = 1 80,40 €
Perte latente sur dette : 1 0 000 USD x (0,90200 € – 0,71 400 €) = 1 880,00 €
Total : 2 060,40 €
Charge d’intérêt si l’emprunt avait été contracté en euros :
1 0 000 USD X 0,71 400 € X 5,5 % X 6/1 2 = 1 96,35 €
Provision à constituer : 1 96,35 € – 1 80,40 € = 1 5,95 €
Ainsi, la charge globale sur l’opération est plafonnée à :
1 80,40 € + 1 5,95 € = 1 96,35 €
Opération 3
Emprunt en devises destiné à acquérir une immobilisation dans le même pays ; minoration obligatoire ; provision nécessaire étalée sur la durée de l’emprunt (durée la plus courte) :
50 000 USD X (0,90200 € – 0,74500 €) X 1/60 = 1 30,83 €
Au 31 décembre N+ 1 , la perte latente éventuelle sera affectée du coefficient 1 3/60.
Opération 4
Opération affectant plusieurs exercices ; minoration optionnelle ; provision nécessaire étalée sur la durée de l’emprunt :
60 000 USD X (0,90200 € – 0,71 400 €) X 1/3 = 3 760 €
Opération 5
Position globale de change ; provision nécessaire calculée par compensation :
(1 300 000 JPY – 200 000 JPY) X (0,92800 € – 0,80500 €) X 1/1 00 = 1 353 €
au lieu de : 1 300 000 JPY x (0,92800 € – 0,80500 €) x 1/1 00 = 1 599 €
2. Enregistrements comptables
Opération 1
Opération 2
Opération 3
Remarque:
La valeur d’origine de la construction n’est pas remise en cause par les variations ultérieures du cours de la devise.
Opération 4
Dettes et créances avec le Japon