L’évaluation des titres en portefeuille lors de leur entrée dans le patrimoine revêt une importance cruciale pour les investisseurs. Cette étape détermine la valeur initiale de l’investissement et influence directement les futurs choix de gestion. L’objectif est d’évaluer avec précision la performance potentielle et les risques associés à ces titres. Cette évaluation repose sur des méthodes et des critères spécifiques, qui garantissent une prise de décision éclairée.
Portefeuille titres
A. Définition du portefeuille titres
Le portefeuille de titres est composé des valeurs mobilières et des autres titres dont l’entreprise est propriétaire..
Valeurs mobilières : – titres négociables émis par des personnes morales ; – titres cotés ou susceptibles de l’être ; – conférant les mêmes droits. | Actions, obligations, bons de souscription, droits détachés de ces titres, titres émis par les OPCVM (FCP, SICAV). |
Autres titres | Titres de créances négociables (TCN), parts des SNC, des SARL, bons du Trésor. |
B. Classification comptables des éléments du portefeuille titres
Catégories | Caractéristiques | Poste du bilan | Compte à utiliser |
Titres de participation | Titres utiles à l’activité de l’entreprise acquis par OPA/OPE ou représentant au moins 10 % du capital d’une entreprise. Permet d’exercer un contrôle ou une influence sur une société. | Immobilisations financières | 261.Titres de participation |
Titres immobilisés de l’activité de portefeuille (TIAP) | Titres détenus pour en retirer, à longue échéance, une rentabilité satisfaisante sans intervention dans la gestion des sociétés. | Immobilisations financières | 273. Titres immobilisés de l’activité de portefeuille |
Autres titres immobilisés | Titres autres que titres de participation et TIAP. Intention de conserver durablement. N’a pas la possibilité de revente rapidement. | Immobilisations financières | 271.Titres immobilisés (droit de propriété) Ou 272. Titres immobilisés (droit de créance) |
Valeurs mobilières de placement | Titres acquis en vue de réaliser un gain à brève échéance, en plaçant des excédents temporaires de trésorerie. | Valeurs mobilières de placement | 50. Valeurs mobilières de placement |
Remarque fiscale : L’administration fiscale distingue deux catégories de titres :
– titres de participation ;
– titres de placement (titres immobilisés, TIAP et VMP).
C. Évaluation des titres à l’entrée dans le patrimoine
Les titres sont évalués au coût d’acquisition. Les frais d’acquisition peuvent être sur option pour tous les titres :
– intégrés au coût d’acquisition ;
– ou inscrits en charges 6271. Frais sur titres (achat, vente, garde).
Coûts d’emprunt pour l’acquisition des titres : ils ne peuvent pas être incorporés au coût d’entrée.
Remarque fiscale : les frais d’acquisition des titres de participation détenus par les sociétés soumises à l’IS doivent être incorporés au coût de revient de titres puis amortis pendant 5 ans.
D. Cas particuliers
Titres non entièrement libérés | Comptabilisés au débit des comptes de titres pour leur valeur totale, la fraction non libérée au crédit des comptes 269. Versements restant à effectuer sur titres de participation non libérés (ou 279 ou 509). |
Actions reçues à titre gratuit | Sans influence sur l’évaluation globale des titres mais modifie le coût unitaire moyen. Pas d’écriture comptable. |
Titres acquis en utilisant des droits de souscription ou des droits d’attribution. | Utilisation de droits de souscription acquis à l’extérieur : le coût d’achat des droits de souscription est inclus dans le coût d’entrée des actions. Utilisation des droits d’attribution détachés des actions détenues en portefeuille : 1) soit déduire la valeur des droits de la valeur des anciens titres puis l’ajouter au coût d’entrée des nouveaux titres ; 2) soit enregistrer directement les nouvelles actions à leur prix d’émission. |
Titres acquis en monnaies étrangères | L’évaluation sera faite au cours du change à la date de l’opération. |
Titres convertis ou échangés | Ils sont comptabilisés pour leur valeur vénale. |
Titres rachetés par la société émettrice | Actions rachetées comptabilisées au coût d’achat : – 502. Actions propres , – 277. Actions propres ou parts propres. |
Bons de souscription d’actions ou d’obligations | 5082 . Bons de souscription |
Obligations avec bons de souscription d’actions ou d’obligations (OBSA ou OBSO) | Il faut comptabiliser séparément : – les obligations : à leur valeur actuelle ; – les bons de souscription : prix d’émission-valeur des obligations. |
Obligations cotées | Obligations : enregistrées à leur cours hors fraction d’intérêt couru au débit du compte 506. Obligations. Intérêts (coupons courus) : comptabilisés au débit du compte 5088. Intérêts courus (produits à recevoir). |
Exemple d’application : 1. Le 28 avril N, une entreprise souscrit, lors d’une augmentation de capital, 1 000 actions de la société €. Prix d’émission 12€ , valeur nominale 10€. Seul le versement minimum légal est exigé lors de la souscription. Cette acquisition est considérée par l’entreprise comme un placement spéculatif.
Le versement minimum légal correspond au quart du nominal + la totalité de la prime d’émission soit : (10 Z 25 %) + 2 = 4,5 € par action.
2. Le 3 mars N, une entreprise souscrit 10 OBSO 8 % de 2 000 € émis le 1er mars N par la société EZ. Prix d’émission : 1 980 €. Coupon annuel : 160 €. Remboursement in fine dans 10 ans : 2 000 €. Taux du marché 10 %. Valeur actuelle des obligations :
160 (1-(1.10)-10 )/0.10 + 2000(1.1)-10 = 1755 (somme arrondie)
Valeur des bons obligations = 1980 – 1755 = 225 (Ou cours de cotation du bon sur le marché)
3. La société DUMAS a acquis, le 1er novembre, 5 obligations PRAXIS de valeur nominale 2 000 € émises le 1er mars N–3.
Échéance des coupons : 1er mars de chaque année.
Taux d’intérêt nominal : 7,5 %.
Conditions au 1er novembre N : cours = 90 % ; intérêts courus 5 %.
Valeur de l’obligation : 2 000 x 90 %, soit : 1 800 €. Coupons courus : la fraction d’intérêts courus au 1er novembre est de 5 % ; ce taux correspond à la fraction du taux nominal de 7,5 % écoulée depuis la dernière date d’échéance du coupon (le 1er mars N), soit 8 mois. On vérifie que 5 % = 7,5 % € (8/12). La fraction d’intérêt couru est donc de : 2 000 € x 5 % = 100 €
(**) Il est possible d’utiliser le compte 764. Revenus des valeurs mobilières de placement.
À la clôture de l’exercice
Incidence pour l’exercice N, produit de 125 W (compte 764) : fraction de coupon couru depuis que la société DUMAS est propriétaire du titre.
Le compte 5088 sera soldé lors du paiement du prochain coupon ou au début de l’exercice suivant.
À leur date d’échéance, les coupons perçus sont enregistrés.
Évaluation des titres à la clôture de l’exercice
A. Cas général
À la clôture, les titres sont évalués à leur valeur actuelle (valeur vénale ou valeur d’utilité).
Valeur actuelle : valeur que l’entité accepterait de décaisser pour obtenir cette participation si elle avait à l’acquérir.
La valeur d’utilité est déterminée en tenant compte des éléments suivants (exemples) :
– la rentabilité et les perspectives de résultats ;
– les cours de bourse ;
– la conjoncture économique ;
– les motifs d’appréciation sur lesquels repose la transaction d’origine.
À retenir : la valeur d’utilité n’est pas fondée sur les seuls cours de bourse.
Catégorie de titres | Valeur actuelle | Éléments |
Titres de participation | Valeur d’utilité | En fonction des perspectives de rentabilité |
TIAP | Valeur vénale | Cours moyen du dernier mois (valeur de marché). |
. Autres titres immobilisés . Valeurs mobilières de placement | Valeur vénale | Cours moyen du dernier mois ou valeur probable de négociation (titres non cotés) ou valeur liquidative pour les titres des OPCVM. |
Il faut comparer la valeur actuelle à la valeur d’entrée en portefeuille.
. Plus-values potentielles : non comptabilisées (principe de prudence).
. Moins-values potentielles : enregistrées par le biais d’une dépréciation.
Comptabilisation des évaluation des titres à la clôture de l’exercice
Dépréciation :
Elle est calculée globalement par catégories de titres de même nature conférant les mêmes droits.
Elle sera reprise lorsqu’elle deviendra sans objet.
Attention ! Les titres d’une même catégorie achetés à des dates différentes doivent être évalués globalement. Pour les parts sociales des SNC et des GIE, si la situation nette est négative il y a lieu de constater :
– une dépréciation à concurrence de la valeur d’entrée ;
– une provision pour risques pour la différence entre la perte et la valeur d’entrée.
B. Cas particuliers de l’évaluation des titres à la clôture
Le PCG offre la possibilité de compenser les moins-values avec les plus-values des titres cotés en cas de baisse anormale et momentanée. Les baisses anormales peuvent être compensées par des hausses normales.
Baisse anormale : elle est calculée à partir du cours moyen du dernier mois calculé en enlevant les 3 cours les plus hauts et les 3 cours les plus bas. Il y une baisse anormale si la différence [Cours moyen – Cours retraité] est au moins égale à 10 % du cours moyen.
Baisse anormale = [Cours moyen – Cours retraité] ⩾ 10 % Cours moyen
Hausse normale : elle est calculée par la différence entre le coût d’acquisition et le plus bas des cours moyens (retraité ou non retraité).
Coût d’acquisition – Minimum (Cours moyen et Cours retraité)
Les compensations sont possibles uniquement pour les titres immobilisées et les titres de placement cotés (actions cotées, obligations cotées, titres des OPCVM dont la valeur liquidative est établie quotidiennement).
Exemple : Les valeurs mobilières de placement détenues par une entreprise dégagent les plus ou moins-values suivantes à la clôture de l’exercice N.
Total | Variation normale | Variation anormale | |
Moins-values | 800 | 520 | 220 |
Plus-values | 270 | 220 | 580 |
Deux calculs possibles pour le montant de la dépréciation :
– suivant les principes généraux du PCG : moins-values sans aucune compensation => dépréciation de 800 euro.
– suivant l’exception prévue par le PCG en cas de baisse anormale et momentanée, il est possible de compenser les moins-values pour baisse anormale avec des plus-values pour hausse anormale.
Total des baisses | 280 (anormale) | 520 (normale) | 800 |
Hausse normale | -220 | 220 | |
Dépréciation | 60 | 520 | 580 |
Comptabilisation dans le cas d’une compensation.
Traitement comptable | Fiscalité | |
Prix de cession indiqué dans l’acte de cession. | Constitue un produit : Exceptionnel : 775. Produits de cession d’éléments d’actifs (Titres immobilisés). Financier : 767. Produits nets sur cessions de VMP ou 667. Charges nettes sur cessions de VMP. | |
Frais sur ventes commissions versées à l’intermédiaire, courtages | Comptabilisés distinctement dans le compte 6271. Frais sur titres (achat, vente, garde). | À déduite du prix de cession |
Valeur comptable | Choix entre le : – coût d’achat moyen pondéré CMP ; – premier entré, premier sorti. (PEPS). La sortie des titres est constatée en contrepartie du compte 675. Valeurs comptables des éléments d’actif cédés (titres immobilisés) ou 667/767 (VMP) | Titres de placement : PEPS obligatoirement Titres de participation : CMP ou PEPS |
Résultat de cession | Titres de participation : différence entre les comptes 775 et 675. VMP : directement dans le compte 767 (ou 667). | Prix de cession net – Valeur comptable. |
Évaluation à la sortie du patrimoine de l’entreprise
Traitement comptable des cessions de titres différent selon qu’il s’agit de titres immobilisés ou de valeurs mobilières de placement.
Par dérogation aux règles générales, le résultat de la cession est comptabilisé directement en produit (pour une plus-value) ou en charge (pour une moins-value) dans les cas suivants :
TIAP :
– plus-value inscrite dans le compte 775. Produits des cessions d’éléments d’actif ;
– moins-value dans le compte 675. Valeurs comptables des éléments d’actif cédés.
Valeurs mobilières de placement :
– plus-value dans le compte 767. Produits nets sur cessions de valeurs mobilières de placement ;
– moins-value dans le compte 667. Charges nettes sur cessions de valeurs mobilières de placement.
Attention ! La charge nette ou le produit net dépend du résultat, perte ou gain réalisé sur l’opération.
Exemple : Cession de 15000 actions de la société TOTUS au prix unitaire de 15 €.
Valeur comptable des 15 000 titres : 192 000 €.
a) Cession comptabilisée en tant que titre de participation
b) Cession comptabilisée en tant que TIAP
c) Cession comptabilisée en tant que VMP
Cas particuliers : cession des droits de souscription
La valeur comptable du droit peut être déterminée par la formule suivante (administration fiscale) :
V0= Valeur comptable du droit à l’entrée calculée lors de la cession
P0 = Prix d’achat des actions
Vt= Prix de cession des droits
Pt = Valeur des actions après augmentation du capital
Valeur des actions après augmentation du capital (Pt) :
– soit au cours de bourse si les titres sont cotés ;
– soit au prix d’émission + valeur des droits nécessaires à la souscription des actions nouvelles.
Exemple : La société FAR détient 1 000 actions de la société DADS achetées 11 € puis comptabilisées avec les valeurs mobilières de placement de la société en N–5. En N, ces titres lui permettent de souscrire, à raison de 2 actions nouvelles pour 5 actions anciennes, des actions émises au prix de 15 € par la société DADS. Ces actions sont cotées 17,10 € avant l’augmentation du capital. La société ne souhaite pas participer à l’opération et vend tous ses droits au prix unitaire de 1 €.
Valeur réelle du droit préférentiel de souscription : 1 €
Valeur réelle d’une action après augmentation compte tenu de la valeur réelle des droits : il faut 1 droit de souscription pour 2 actions souscrites.
Valeur réelle par action après l’augmentation du capital :
(15 € x 2) + [(1 € x 5)/2] = 17,50 €.
Valeur comptable du droit préférentiel de souscription sur la base fiscale :
11 x (1/1+17,50) = 0,59 EURO
Résultat fiscal : [1 000 x 1] – [1 000 x 0,59] = 410 €
Comptabilisation : elle se fait selon le schéma général de cession des titres concernés.
En somme, l’évaluation des titres lors de leur intégration au patrimoine est une étape fondamentale pour tout investisseur. Elle permet d’établir une base solide pour la gestion de portefeuille à venir. La justesse de cette évaluation influencera les décisions de répartition des actifs, de diversification, et contribuera à la réalisation des objectifs financiers à long terme. Une analyse rigoureuse et une compréhension approfondie des titres en portefeuille sont essentielles pour une gestion patrimoniale prudente et efficace.