Les fondements de l’échange international (cours résumé)

Le libre-échange est une doctrine économique qui vise à limiter les obstacles à la circulation des biens, des services et des capitaux entre les économies nationales. Le protectionnisme est une doctrine économique qui a pour but de limiter l’accès aux marchés nationaux pour les étrangers. Les pratiques protectionnistes se divisent en mesures tarifaires visant à relever, par des droits de douanes, le prix des produits importés, et en mesures non tarifaires consistant à réglementer, en contingents, quotas ou normes, l’entrée des produits étrangers sur le sol national .

Les fondements de l’échange international

Une entreprise mondiale est une entreprise qui organise et structure ses activités au niveau mondial. Elle ne considère pas son marché comme une juxtaposition de marchés nationaux cloisonnés, mais comme un marché mondial unique.

L’économie internationale, qui fait référence aux échanges entre nations, et selon laquelle chaque nation produit chez elle pour exporter ensuite, laisse la place à une économie mondiale, c’est-à-dire faite d’entreprises mondiales.

Les explications libérales de l’échange international

Pour les auteurs classiques, partisans du libre-échange, l’échange international s’explique par la nécessaire division du travail, entre les nations, qui conduit à une production au moindre coût. Cependant, la réalité des échanges montre que les spécialisations ne sont pas si tranchées.

Selon Adam Smith ( 1 776), chaque pays a intérêt à se spécialiser dans les fabrications pour lesquelles il possède un avantage absolu par rapport aux autres nations, et s’approvisionner à l’extérieur à moindre coût pour les productions pour lesquelles il n’a aucun avantage. Cependant, Smith ne précise pas ce qu’il advient d’une nation qui n’a aucun avantage. Doit-elle vivre en autarcie ?

Selon Ricardo ( 1817), la spécialisation est bénéfique à tous. Les nations sans avantage absolu doivent se spécialiser dans les productions pour lesquelles elles rencontrent le moindre désavantage (Ricardo parle d’avantage comparatif). Ain-si, grâce à la division du travail, les richesses créées s’accroissent. Mais d’où proviennent les avantages comparatifs de chaque pays ?

Hecksher, Ohlin et Samuelson, dans le cadre du théorème HOS, ou loi des dotations en facteurs de production, expliquent que les nations se spécialisent dans les fabrications qui incorporent le facteur de production le plus abondant (travail, capital, terre)). Ainsi, les pays en développement exporteraient des produits incorporant beaucoup de main-d ‘œuvre, alors que les pays développés exporteraient des biens nécessitant un capital important pour leur fabrication.

Le paradoxe de Léontieff. En 1953, l’économiste Wassili Léontieff a voulu vérifier la loi des dotations en facteurs de production de Hecksher, Ohlin et Samuelson, en étudiant le commerce extérieur des États-Unis. A priori, le résultat devait montrer que les États-Unis exportaient des biens riches en capital et importaient des biens riches en main-d’œuvre.

Pour cela, il a calculé les coefficients capital/main d’œuvre pour les secteurs exportateurs et pour les secteurs soumis à la concurrence des importations. Or, les résultats ont montré que ce coefficient était plus élevé dans les secteurs soumis à la concurrence des importations que dans les secteurs exportateurs.

Les États-Unis exportaient donc des biens à forte intensité de main-d’œuvre et importaient des biens à forte intensité de capital ! Le paradoxe s’explique en grande partie par le fait que les États-Unis exportaient des biens qui incorporaient beaucoup de main-d’œuvre très qualifiée, en abondance aux États-Unis (recherche, étude, ingénierie).

Les échanges de similitude constituent cependant l’essentiel de l’échange international. Il s’agit d’échanges de biens similaires (commerce intrabranche) entre pays à niveau de développement voisin, c’est-à-dire pour lesquels on n’observe pas de différences significatives dans les dotations en facteurs de production (la France exporte des automobiles vers l’Italie alors qu’elle en importe également).

Selon Linder ( 1961 ), ceci s’explique par le fait qu’un produit est d’abord conçu pour satisfaire une clientèle nationale. Ensuite, lorsqu’il est exporté, il ne peut concerner que des nations dont les consommateurs ont un niveau de vie semblable pour se l’offrir. Enfin, selon Bernard Lassudrie-Duchêne (1971), le commerce intrabranche s’explique par une « demande de différence » de la part des consommateurs, dans la mesure où les produits échangés ne sont pas totalement identiques (vins italiens et vins français).

La tentation protectionniste

L’idée d’un échange international profitable à l’ensemble des nations y participant est contestable. Le libre-échange n’est pas toujours source d’accroissement des richesses dans le temps et dans l’espace. Il peut, en effet, constituer un obstacle au développement et, en outre, être source de domination entre les nations.

Les effets du tarif douanier :

Les effets du tarifdouanier :

L’échange international, un obstacle au développement : le protectionnisme consiste à faire payer un surcoût au consommateur, dans la mesure où les produits nationaux sont plus chers que les produits importés. Ce surcoût est légitime, pour F. List, dans la mesure où il va permettre l’émergence d’une industrie nationale. La théorie de la protection des industries naissantes, de List ( 1 841), explique que ces dernières sont en effet pénalisées, face à la concurrence internationale, par le fait qu’elles ne bénéficient pas encore d’économies d’échelle suffisantes. Une protection douanière est donc nécessaire.

La possibilité de rendements croissants : l’ensemble des théories dites libérales est bâti autour de l’hypothèse de rendements d’échelles constants, c’est-à-dire que l’augmentation de la production ne conduit pas à une diminution des coûts unitaires. En réalité, Paul Krugman (1979) montre que les rendements d’échelle peuvent être croissants. Dans ce cas, l’antériorité d’une nation dans la fabrication d’un bien (effet d’expérience), ainsi que la taille de son marché intérieur, jouent un aspect non négligeable dans l’obtention d’un avantage comparatif.

L’échange international, un échange inégal : la spécialisation s’opère bien souvent par l’intermédiaire d’entreprises multinationales qui s’implantent dans les pays du tiers-monde. Celles-ci obtiennent sur place des gains de productivité qu’elles consacrent, en grande partie, à la baisse des prix des produits qu’elles réexportent vers leurs pays d’origine. À l’inverse, les gains de productivité réalisés dans les pays d’origine sont en général répartis entre salaires et profits, au détriment des baisses de prix à l’exportation vers les pays du tiers-monde.

En somme, ces pays sont conduits à exporter davantage (les prix de leurs exportations baissent), et à travailler davantage, pour pouvoir importer une même quantité de biens. Selon A. Emmanuel ( 1 972), il s’agit d’un échange inégal de facteur travail. On peut également ajouter qu’il n’est pas identique de se spécialiser dans la production et l’exportation de cacahuètes, que dans la production et l’exportation de machines-outils, notamment parce que l’agriculture est rarement source d’externalités technologiques positives.

Le libre-échange détruit des emplois, pour un pays comme la France, dans la mesure où les produits importés, qui remplacent les produits nationaux, contiennent plus d’emplois que les produits que nous fabriquons et exportons.

Une intervention de l’État souhaitable : les travaux de Paul Krugman (1987), comme ceux de James Brander et Barbara Spencer (1983), défendent l’idée d’une intervention de l’État pour soutenir les entreprises nationales. Pour Brander et Spencer, l’État peut avoir intérêt à soutenir la recherche-dévelopemment (R & D) des entreprises nationales, pour favoriser l’innovation, dans le cadre d’une « politique commerciale stratégique ».

En effet, l’avantage comparatif d’une nation provient souvent des connaissances accumulées par ses entreprises à travers la R & D et l’expérience. Cependant, la R & D possède les caractéristiques d’un bien public, générateur d’effets externes. Les résultats de la R & D profitent à d’autres agents économiques que celui qui en est à l’origine, dans le cadre de la diffusion du progrès technique. Aussi, les entreprises seront-elles réticentes à investir dans ce domaine, préférant attendre que d’autres entreprises le fassent et bénéficier du progrès technique à moindre frais.

Elles adoptent alors un comportement de « passager clandestin ». Toutes les entreprises raisonnant de la sorte, le processus d’émergence des innovations, et donc des avantages comparatifs pour la nation, se trouve bloqué. L’intervention de l’État semble nécessaire, sous forme de subvention, et de protection de la propriété industrielle, pour que la rentabilité de l’investissement en R & D de l’entreprise soit assurée.

Le rôle des firmes et l’économie mondialisée

L’organisation des firmes au niveau mondial : les entreprises mondiales délocalisent des étapes de leurs processus de production. Bernard Lassudrie-Duchêne parle à cet égard de Décomposition Internationale des Processus Productifs (DIPP). À l’origine, ce sont les pratiques protectionnistes qui ont amené les entreprises à substituer des investissements internationaux aux échanges, la mobilité des facteurs de production (le capital) suppléant la mobilité des biens.

En outre, l’homogénéisation des modes de vie à travers la planète a fait ressortir une demande mondiale, elle aussi homogénéisée, et donc une production mondiale qui peut bénéficier d’économies d’échelle.

L’émergence d’un commerce fermé : la DIPP a engendré des flux de biens et services entre les filiales des groupes mondiaux. Se développe alors un commerce fermé, ou commerce intrafirme, qui échappe à la logique du marché et aux explications des théories traditionnelles sur l’échange international.

Près du tiers du commerce international s’explique aujourd’hui par ces flux internes de biens et services. Le prix n’est donc plus un prix de marché mais un prix de cession interne qui est fixé en fonction de la politique de la firme.

Application :

Pour fabriquer une même quantité de draps, le travail de 100 hommes est nécessaire en Angleterre alors que 90 hommes suffisent au Portugal. Pour fabriquer une même quantité de vin, le travail de 1 20 hommes est nécessaire en Angleterre, alors que seulement 80 suffisent au Portugal.

1 . Repérer les avantages absolus et comparatifs des deux pays.
2. Calculer les productions totales de vin et de draps, avant et après spécialisation, pour les deux pays, en suivant l’idée de Ricardo. Qu’en concluez-vous ?
3. Quels peuvent être les obstacles à la spécialisation dans chaque pays ?

Corrigé

1 . L’Angleterre ne dispose d’aucun avantage absolu, par contre elle possède un moindre désavantage (avantage comparatif) dans la fabrication du drap.
2. On peut représenter les résultats sous forme de tableau :

Les fondements de l'échange international
On constate que la production de richesses augmente grâce à la spécialisation internationale, à l’échange international.

3. L’obstacle principal est celui de la mobilité des facteurs de production travail et capital : la main d’œuvre qui fabrique du vin en Angleterre est-elle capable de fabriquer du drap (et inversement au Portugal)? Il y a ici un problème de formation de la main-d’œuvre.

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