Comment lire et interpréter un rapport financier (communication financière)

La maîtrise du langage financier est indispensable pour interpréter une communication financière. Les mots sont aussi importants que les chiffres.Une communication financière commente toujours des chiffres. Pour l’interpréter, commencez par traduire les gros mots financiers : chaque terme renvoie à une réalité bien précise. Prenez aussi le réflexe de vous référer aux tableaux transmis. Notamment, vérifiez l’adéquation entre les commentaires et les données (compte de résultat, bilan, tableau de trésorerie, annexes).

Comprendre une communication financière

Lisez ci-dessous les extraits de la communication financière adressée aux actionnaires de l’entreprise :

« La situation du bilan montre un ratio d’endettement Gearing satisfaisant.

Bilan:

bilan rapport financiere

Les CAPEX (immobilisations) restant néanmoins légèrement obsolètes, un plan d’investissement soutenu est prévu pour 2013. La plus-value latente sur l’actif immobilier s’élève à plus de 1 million […] Le découvert est dû au montant important du BFR, toutefois toujours à seulement 10 % de l’activité. Au niveau P & L, voici nos résultats 2012 :

Profit and loss – P & L (en K€)

La plus-value latenteLe point mort semble toujours se situer entre 4 500 et 5 000 […].Dans la ligne dotation, une provision pour risque a été passée à hauteur de 200 K€.
En revanche, nous ne pouvons donner des chiffres de rentabilité pour l’instant […].
Nos budgets 2013 sont prêts ; nous prévoyons un 3 + 9 et un 9 + 3 classique, comme en 2012. Merci de votre confiance, chers actionnaires, nous promettons de tout mettre en œuvre pour arriver à vos objectifs […]. La direction »

Comment traduire les «gros mots» financiers?

Avez-vous compris le texte qui accompagne les tableaux ? Sans doute pas complètement ! Reprenons phrase par phrase les « gros mots » employés dans cette communication financière.

● « La situation du bilan […] »
Traduction : le bilan est l’état des actifs et des passifs à la date de clôture de l’exercice.

● « […] montre un ratio d’endettement Gearing satisfaisant. »

tableau-ratio-gearingTraduction : regardez le tableau ci-dessous. Le ratio Gearing (3) est le rapport entre les capitaux propres (1) et les emprunts (2) . Si le ratio est proche de 1, il montre un endettement raisonnable. C’est le cas ici.

● « Les CAPEX [capital expenditure] (immobilisations) restant néanmoins légèrement obsolètes, un plan d’investissement soutenu est prévu pour 2013. »
Traduction : les valeurs nettes des immobilisations dans le bilan sont peu élevées. Ce faible montant signifie un fort amortissement, surtout sur le poste machine (soit l’outil industriel). L’entreprise compte investir pour renouveler son outil industriel.

● « Toutefois, la plus-value latente sur l’actif immobilier s’élève à plus de 1 million. »
Traduction : les bâtiments se vendraient aujourd’hui au moins 1 M€ de plus que leur valeur nette de 800 K€ soit plus de 1,8 M€.

● « Le découvert est dû au montant important du BFR, toutefois toujours à seulement 10 % de l’activité. »
Traduction : il y a un problème de cash lié au besoin en fonds de roulement (BFR).

Le tableau qui suit en donne l’explication : la somme (4) des stocks non vendus (1) , des factures clients non encaissées (2) et des factures fournisseurs non décaissées (3) représente 10 % du montant du CA (5) .

Tableau du calcul du BFR (€)

rapport financiers lire bfr● « Au niveau P & L, voici nos résultats 2012 en K€. »
Traduction : le P & L (profit and loss) est le nom anglais du compte de résultat.

Tous les commentaires à suivre renvoient au tableau du P & L . Les chiffres sont donnés en K€.

● « Le point mort semble toujours se situer entre 4 500 et 5 000 K€. »
Traduction : tant que le CA (1) n’atteint pas ces montants, la société ne dégage pas un bénéfice.

● « Dans la ligne dotation, une provision pour risque a été passée à hauteur de 200 K€. »
Traduction : un risque évalué à 200 K€ a été identifié. Le résultat a été baissé de 200 K€, sur la ligne des dotations aux amortissements et provisions (6) . Mais attention, le cash n’a pas été diminué de ce montant !

« En revanche, nous ne pouvons donner de chiffres de rentabilité pour l’instant. »
Traduction : la rentabilité (le gain financier) dépend à la fois du gain et de l’investissement initial. Or, cette communication donne le calcul des résultats et de la marge mais ne compare pas avec la mise de fonds. Il n’y a donc effectivement pas de chiffre de rentabilité.

« Nos budgets 2013 sont prêts ; nous prévoyons un 3 + 9 et 9 + 3 classique comme en 2012. »
Traduction : le budget est établi. Il est prévu de réactualiser ce budget fin mars (réactualisation au 3e mois pour les 9 mois suivants) et fin septembre 2013 (réactualisation au 9e mois pour les 3 mois suivants) comme en 2012.

Comment traduire les chiffres d’un rapport financier?

● N’oubliez pas que le compte de résultat se lit pour l’année N (2012) en comparant avec l‘année N–1 (2011).
● Le CA (1) croît de +13 %
● La marge brute (3) monte en valeur mais baisse en % du CA (–3 %)
● Les coûts des achats industriels (2) ont augmenté de 3 %, sans doute en lien avec une hausse du coût des matières premières.
L’EBITDA ou EBE (5) semble régresser en % du CA. L’écart perdu en marge est en partie rattrapé par une hausse modérée des salaires (4) .
Le résultat d’exploitation ou ROC 7 augmente, les investissements ont peu d’impact. Les dotations (6) n’augmentent que de + 4,54 % alors que le CA (1) augmente de 13 %.
● Le % de ROC 2012 (8) est donc quasiment celui de 2011.
● Le résultat net (9) augmente en volume de 45 K€, cette augmentation satisfaisante donne un % du CA (10) assez proche de celui de l’année précédente.

Interpréter  un rapport financier

Un rapport financier circonstancié est un objet de communication de l’entreprise et engage sa responsabilité. Précision, crédibilité et honnêteté sont de rigueur, d’où les dizaines de pages que peuvent représenter certaines communications. En s’appuyant sur des indicateurs précis, cette information a pour objectif de donner une meilleure visibilité de la société et de ses projets.

Comment interpréter les messages envoyés par les appréciations que l’entreprise fait de ses propres résultats ?

Lire entre les lignes

Voici des extraits du communiqué de presse publié en février 2012 par un groupe industriel. Le communiqué compte plusieurs dizaines de pages car il entre dans un niveau de détail très précis. Nous reproduisons les paragraphes essentiels, avant d’en donner la traduction.
● « Paris, le 22 février 2012
2011 : objectifs financiers et commerciaux tenus, cash flow opérationnel supérieur aux attentes
2012 : priorité à l’efficacité opérationnelle, à la solidité financière et à l’innovation marketing et technologique. »

Les indicateurs financiers (en M€)

rapport fiancierTraduction : les objectifs de résultat 2011 semblent tenus. La trésorerie dégagée par l’activité (hors dépenses investissement et financement) est même supérieure aux prévisions. Le cash est arrivé plus vite que prévu. Le tableau donne les indicateurs-clés que le communiqué de presse commente pas à pas.

● « Le chiffre d’affaires consolidé s’élève à 45,277 milliards d’euros et ressort, en ligne avec les dernières anticipations du Groupe, stable par rapport à 2010 à base comparable et hors mesures de régulation. »

Traduction : le montant du CA (1) apprécié est celui du CA consolidé c’est-à-dire comprenant le CA de la maison mère et le CA des filiales intégrées dans la consolidation. Ce CA est apprécié « à base comparable » : à périmètre constant (avec les mêmes sociétés consolidées que l’année précédente) et/ou hors variation du change.

« L’…BITDA retraité s’élève à 15,083 milliards d’euros. La marge d’…BITDA retraité (33,3 %) enregistre une érosion limitée à –1,1 point, en ligne avec l’anticipation du Groupe. »
Traduction : L’EBITDA (2) est dit retraité, soit calculé sans impacts d’éléments exceptionnels. Le taux d’EBITDA est fort à 33 % mais normal dans le secteur d’activité du Groupe. La baisse de 1,1 point de ce taux avait été prévue par le Groupe.

Dans un paragraphe suivant (non reproduit ici), le Groupe détaille les raisons de la baisse du taux de l’EBITDA : une forte augmentation des charges commerciales et marketing et une réduction de la marge.

« Les investissements (5,770 milliards d’euros) progressent de 3,3 % par rapport à 2010, à base comparable, soit un taux d’investissement de 12,7 % du chiffre d’affaires, conforme à la trajectoire 2011-2013. »
Traduction : les investissements représentent 12,7 % du CA. Ce ratio Investissements/CA est important car il montre un certain renouvellement du matériel par rapport à l’activité. À 12,7 %, ce ratio semble bon.

« Le cash flow opérationnel (…BITDA – CAP…X) retraité s’élève à 9,313 milliards d’euros, dépassant ainsi l’objectif donné d’un cash flow opérationnel légèrement supérieur à 9 milliards d’euros en 2011. »

Traduction : Le cash flow opérationnel (6) correspond au calcul (EBITDA – CAPEX) ou encore au calcul (CA – Achats – Salaires – Investissements décaissés dans l’année).

Comme il s’agit de l’argent dégagé par l’activité, le cash flow opérationnel est un levier de communication important. Ici, le montant du cash flow opérationnel montre que l’EBITDA de l’année finance l’investissement payé durant cette même année.

« La dette nette s’établit à 32,331 milliards d’euros au 31 décembre 2011. Le ratio retraité dette nette/…BITDA s’établit à 2,09. »
Traduction : La dette nette ou endettement financier net (7) est un point sensible de la communication. La dette nette correspond au calcul emprunts dus – cash possédé, soit à l’endettement réel.

Le ratio dette nette/EBITDA, c’est-à-dire dette réelle/argent gagné indique le temps nécessaire pour rembourser la dette. Il s’agit de limiter l’endettement en fonction de l’argent dégagé par l’activité, de la même façon qu’un particulier emprunte au niveau que lui permet son salaire.

Ici, le ratio dette nette/EBITDA est de 2,09. On peut donc dire qu’en deux années d’EBITDA, le Groupe rembourse sa dette. En revanche, en cas de baisse de l’EBITDA (due à une baisse de CA ou à une hausse des coûts d’achats ou salariaux), le ratio se dégraderait. Pour rétablir le ratio, le Groupe aurait besoin de baisser le numérateur du ratio et se retrouverait donc dans l’obligation de se désendetter.

« Le Groupe confirme le versement d’un dividende de 1,40 € au titre de l’exercice 2011, dont le solde (0,80 € euro par action) sera payé en numéraire le 13 juin 2012. »

Traduction : le Groupe va distribuer un dividende à son actionnaire. L’actionnaire a déjà reçu un acompte sur dividende et recevra le solde le 13 juin 2012. L’indication du dividende unitaire permet aux actionnaires de comparer le montant avec les années antérieures.

« Le Groupe anticipe un cash flow opérationnel proche de 8 milliards d’euros en 2012 et confirme ainsi sa vision stratégique à horizon 2015. Compte tenu du contexte macro-économique et concurrentiel incertain, le Groupe décide d’adapter sa politique de rémunération des actionnaires en l’alignant sur sa génération de cash flow opérationnel. Le montant total alloué au dividende au titre des exercices 2012 et 2013 devrait être compris dans une fourchette de 40 % à 45 % du cash flow opérationnel de l’exercice afin de préserver, en toutes circonstances, la solidité financière du Groupe et maintenir un ratio dette nette/…BITDA autour de 2 à moyen terme. »
Traduction : le Groupe prévoit en 2012 un cash flow dégagé par l’activité proche de 8 milliards d’euros. Le chiffre est inférieur aux 9,313 milliards d’euros de 2011.

Le Groupe décide donc que l’augmentation des dividendes dépendra du cash dégagé par l’activité. La décision semble logique et saine : il s’agit de verser aux actionnaires une proportion du cash flow opérationnel (40 % à 45 %) qui permette de garder du cash pour le remboursement des emprunts.

Le Groupe confirme sa volonté de conserver un ratio dette nette/EBITDA (7) égal à 2 et prouve ainsi à son actionnaire sa maîtrise de l’endettement.

Résumant:
Le plus souvent, un groupe communique sur sept points stratégiques :
Le montant en volume du CA : pour montrer le développement commercial ou la taille critique du groupe.
L’EBITDA : pour souligner la performance économique.
Le ratio investissements/CA : pour mettre en valeur les investissements récents et le renouvellement du matériel.
Le cash flow opérationnel, résultat du calcul cash flow dégagé par l’activité – investissements payés dans l’année : pour rassurer sur les sommes disponibles pour le dividende et/ou le désendettement.
L’endettement : pour montrer sa maîtrise de l’endettement, il commente le ratio (dette nette/EBITDA).
La distribution du dividende : pour souligner sa volonté de rémunérer l’actionnaire.
Le futur : pour confirmer à l’actionnaire sa volonté de le rémunérer tout en ne dégradant ni l’endettement ni l’investissement.

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