Comme Modigliani et d’autres auteurs, Friedman va fonder son hypothèse sur celle de Fisher et va élaborer un plan de consommation qui dépasse de loin la période courante. Il va avancer les notions de revenu permanent et de consommation permanente. La théorie du choix inter temporel montre que la richesse et le taux d’intérêt sont des variables explicatives de la consommation. Et comme les revenus futurs ne sont pas observables directement mais anticipés, la richesse elle-même est une notion qui sera, selon l’approche du revenu permanent, anticipée.
A) LA NOTION DE REVENU PERMANENT :
Le revenu permanent est défini comme « la somme qu’un consommateur peut consommer en maintenant constante la valeur de son capital ».
Vu sous l’angle des avoirs d’un ménage, le revenu permanent sera considéré comme le reflet des revenus annuels stables sur une longue période dont la valeur présente actualisée est égale à la richesse de ce ménage. Quand un ménage épargne, il ajoute à sa richesse et accroît donc son revenu permanent. C’est pourquoi, nous pouvons dire que ce concept est intimement lié au concept de richesse (W).
Si la richesse s’écrit :
Le revenu permanent serait ce revenu constant à long terme tel que :
C’est une suite géométrique de premier terme 1 et de raison 1/1+r
Mais cette définition théorique du revenu permanent ne permet pas de l’évaluer d’une manière empirique étant donné l’indétermination des revenus futurs et du taux d’intérêt futur. C’est pourquoi Friedman a proposé, pour surmonter cette difficulté, une définition empirique qui se base sur les revenus observés au présent et durant les périodes passées.
L’hypothèse de base est que les revenus courants subissent, d’année en année, des chocs temporaires aléatoires. Le revenu courant est donc formé par deux composantes : une composante permanente et une composante transitoire :
Le revenu permanent est la composante du revenu que les ménages s’attendent à conserver à l’avenir. Il représente donc la partie stable du revenu. Le revenu transitoire est la composante du revenu dont les agents ne prévoient pas le maintien à l’avenir. Il représente la différence à court terme entre le revenu courant et le revenu permanent à long terme.
Si le revenu permanent est le revenu moyen, le revenu transitoire apparaît comme l’écart aléatoire par rapport à cette moyenne. Cet écart peut être positif ou négatif selon que le revenu courant est supérieur ou inférieur au revenu permanent. Ce dernier est une notion continuellement ajustée dans le temps en fonction de l’évolution des revenus courants des ménages. Il peut être estimé à partir d’un processus d’anticipations adaptatives où le revenu permanent d’une période serait égal au revenu permanent de la période précédente qui sera ajusté à la hausse ou à la baisse selon que le revenu transitoire est positif ou négatif.
Supposons un coefficient d’ajustement λ (0 < λ < 1). Tout écart entre le revenu courant Yt et le revenu permanent de la période précédente sera ajouté ou retranché à l’évaluation du revenu permanent dans une proportion égale à λ, c’est-à-dire que si nous considérons que est le revenu transitoire, alors le revenu permanent sera :
Le revenu permanent est donc la moyenne pondérée des revenus courants des périodes précédentes. Les coefficients de pondération sont de plus en plus faibles au fur et à mesure que l’on remonte dans le passé.
B) LA FONCTION DE CONSOMMATION:
L’idée de base de la théorie du revenu permanent est que les ménages orientent leur consommation permanente en fonction de la partie permanente de leur revenu et adoptent un autre comportement face à leur revenu transitoire. Quand les revenus courants augmentent ou baissent temporairement, les ménages ne bouleversent pas complètement leurs habitudes de consommation. S’il s’agit d’une baisse temporaire, ils puisent dans leur épargne accumulée pour financer leurs dépenses normales de consommation ; s’il s’agit d’une augmentation temporaire, ils consacrent à l’épargne une proportion plus élevée de leur revenu que d’habitude.
L’idée maîtresse derrière la théorie du revenu permanent est que la consommation courante est une proportion du revenu disponible courant, mais cette proportion est plus importante pour la partie du revenu qui est permanente et plus faible pour celle qui est transitoire. Les ménages épargnent une plus grande proportion de leur revenu transitoire que celle relative à leur revenu permanent. Si leurs revenus transitoires deviennent négatifs, ils puisent dans leurs épargnes pour maintenir leurs niveaux de vie.
L’une des conséquences de la distinction entre le revenu permanent et le revenu transitoire est la variation de la PMC et de la PmC à court terme par rapport à leurs valeurs de long terme au cours du cycle économique. En effet, en période d’expansion économique, les ménages réalisent des revenus transitoires positifs et importants, ce qui les incite à l’épargne ; leur richesse va donc augmenter. Ils ont un comportement inverse en cas de récession et de
revenus transitoires négatifs.
Deux forces contraires agissent ainsi sur la PMC. La première tend à favoriser une baisse du ratio C/Y à court terme en période d’expansion et une hausse en période de ralentissement.
Cela est dû au fait que la consommation est relativement stable dans le temps, mais les revenus le sont moins. Mais ces tendances sont contrecarrées par la tendance des ménages à épargner une forte proportion des revenus transitoires. La conséquence de ces mécanismes est que la fonction de consommation n’est stable qu’à long terme. A court terme cette fonction est instable.
Ce coefficient est, selon Friedman, proche de l’unité, mais il peut varier d’un pays à l’autre et d’une catégorie de ménages à l’autre. Dans ses études empiriques, l’auteur trouve une valeur égale à 0,88 pour les Etats-Unis.
Pour (k = 0,9) et (λ = 0,25) : la propension marginale à consommer le revenu permanent est égale à 0,9 et la propension marginale à consommer le revenu transitoire est égale à 0,225. Ceci veut dire que l’épargne normale représente 0,1 du revenu permanent et l’épargne spéciale représente 0,775 du revenu transitoire.
Les conclusions de la théorie du revenu permanent de Friedman sont très semblables à celles de la théorie de la consommation en escalier de Duesenberry qui explique la variabilité de la PMC à court terme et sa stabilité à long terme par le fait que les ménages deviennent habitués à un certain niveau de vie et résistent à tout changement brusque de ce dernier.
Par ailleurs, il est également possible d’établir une relation de proximité entre les conclusions de Friedman et celles de Brown. En effet :