La consolidation des comptes s’impose lorsqu’il s’agit de donner une image fidèle de la réalité économique et financière d’un ensemble coordonné d’entreprises. Les entreprises constituant un groupe sont liées par des participations souvent complexes qui figurent à l’actif de la société mère sous forme d’un portefeuille titres. La consolidation est une opération qui vise à substituer dans l’actif de la maison mère tout ou partie des éléments d’actifs et de passifs de l’entreprise concernée en remplacement de la quote part des titres de participation.
Les méthodes de consolidation comptables varient selon la nature des relations entre la société-mère et sa filiale. Le contrôle exclusif est bien évidemment le lien le plus fort. Il existe quand le groupe possède 50 % des droits de vote. Le critère est en fait plus large car, en normes IFRS, le fait de disposer de la majorité des sièges au conseil d’administration suffit. La norme française rejoint cette analyse car, au-delà des droits de vote, compte la notion de contrôle exclusif.
Il est présumé en droit français dès qu’un groupe détient 40 % des droits de vote d’une filiale. Ce contrôle exclusif donne lieu à consolidation par intégration globale. Le second niveau de consolidation concerne les filiales où le groupe exerce une influence notable. Ici, il n’y a pas contrôle de la politique financière et opérationnelle de la filiale. Le référentiel français et les IFRS utilisent la notion d’influence notable.
La définition de ce qu’est une influence notable est assez vague. Le pouvoir de la société-mère ne doit pas être déterminant dans les prises de décision. Dans la pratique, la norme IAS 28 et les commissaires aux comptes considèrent qu’un seuil de 20 % des droits de vote implique une influence notable ( Ce seuil de 20% est partagé en normes IFRS et en normes françaises). La méthode de consolidation qui s’applique est alors la mise en équivalence.
Une troisième éventualité de contrôle existe : celle du contrôle conjoint qui correspond à une situation de contrôle partagé de manière stable avec une ou plusieurs autres entreprises. C’est le cas des co-entreprises (joint-venture). La méthode de consolidation qui s’applique en référentiel français est celle de l’intégration proportionnelle. En IFRS, le choix le choix est possible entre la mise en équivalence et
l’intégration proportionnelle (La tendance vers la convergence avec les normes américaines qui ne permettent pas l’intégration proportionnelle tend à considérer comme préférentielle par l’IASB la mise en équivalence en cas de contrôle conjoint).
En résumé, les méthodes de consolidation appliquées sont :
- en cas de contrôle exclusif, l’intégration globale (IAS 27) ;
- en cas d’influence notable, la mise en équivalence (IAS 28) ;
- en cas de contrôle partagé, l’intégration proportionnelle (norme française), la mise en équivalence ou l’intégration proportionnelle (IFRS 31).
Les méthodes de consolidation obéissent à des techniques différentes (voir tableau ci-dessous).
Méthodes de consolidation des comptes
Intégration globale : Les comptes de la mère reprennent l’intégralité des actifs et des passifs de la filiale. Les éléments d’actif et de passif se substituent aux titres de participation chez la mère, qui disparaissent du bilan consolidé. De même pour le compte de résultat après élimination des doubles opérations. Apparition au passif de la mère des droits des autres actionnaires sur les capitaux propres et le résultat consolidé, appelés « intérêts minoritaires ou non-contrôlant ».
Intégration proportionnelle : Semblable à l’intégration globale à la différence près que la reprise des actifs, des passifs et des éléments du compte de résultat de la fille s’effectue en proportion des droits de la maison-mère sur la filiale. Pas d’apparition d’« intérêts minoritaires ».
Mise en équivalence: Substitution de la valeur comptable des titres de participation de la filiale par la
valeur de la quote-part des capitaux propres (résultat compris) de la filiale. La mise en équivalence est plutôt une méthode de réévaluation qui se traduit à l’actif de la société-mère par un poste de « Titres mis en équivalence » et au passif en capitaux propres par un écart d’évaluation.
Les méthodes de consolidation obéissent à des champs d’application différents même si une tendance d’évolution vers les normes IFRS (et donc à la disparation des normes PCG) est à l’œuvre. Les sociétés cotées n’ont pas le choix : elles doivent appliquer les normes IFRS de consolidation. Le champ d’application de la consolidation dans le cadre du référentiel français est différent. Les comptes consolidés dans le cadre du PCG sont obligatoires pour les groupes d’entreprises (pas seulement cotées) dès lors que deux des éléments suivants sont réunis :
- total du bilan au moins égal à 15 M€ ;
- total de chiffre d’affaires au moins égal à 30 M€ ;
- total de salariés au moins égal à 250.
La complexité et le caractère instable de la consolidation viennent du fait que les entreprises autres que celles cotées et qui doivent être obligatoirement consolidées dans le cadre du référentiel français, ont la possibilité d’opter pour l’application des normes et des méthodes IFRS de consolidation. À défaut, elles appliquent des normes PCG qui sont proches mais pas identiques.
En 2002, on estimait à environ 5 500 le nombre de groupes remplissant ces conditions et donc tenus de publier des comptes consolidés (dont 1 000 groupes français cotés). Le champ d’application de la consolidation PCG est plus large que celui des normes IFRS (limité aux sociétés cotées). La logique et la méthode étaient, au départ, différentes car l’obligation légale de consolidation date de 1990. Depuis, il y
a eu convergence des normes de consolidation PCG vers les IFRS. Les contraintes qui accompagnent l’établissement et la publication de comptes consolidés PCG sont comparables à celles des comptes sociaux traditionnels :
- obligation d’établir un bilan, un compte de résultat et une annexe consolidés. Ces comptes sont contrôlés par les commissaires aux comptes. Ils sont présentés (mais non approuvés) à l’assemblée générale de la société consolidante ;
- un rapport de gestion du groupe doit être établi. Il expose la situation d’ensemble des entreprises consolidées. Il est recommandé qu’il soit accompagné d’un tableau de financement et d’un tableau de variations des capitaux propres calculé au niveau du groupe ;
- les comptes consolidés doivent être déposés au greffe du tribunal de commerce.
Ils doivent être publié au BALO ; - chaque trimestre, les sociétés cotées qui établissent des comptes consolidés doivent publier le montant de leur chiffre d’affaires consolidé ;
- enfin, toujours pour les sociétés cotées, celles-ci doivent publier un tableau d’activité et de résultat chaque semestre.
L’analyste financier, en présence d’un groupe d’entreprises, bénéficie dans les faits d’une information comptable pertinente et riche qui présente cependant quelques particularités par rapport aux comptes sociaux traditionnels de l’entreprise isolée.
Le premier motif de distinction provient de l’utilisation possible de méthodes d’évaluation conformes aux IFRS dans l’établissement des comptes consolidés :
- utilisation du coût historique dit « indexé » dans la consolidation afin de tenir compte de l’évolution du pouvoir d’achat dans les pays à forte inflation (IAS 29) ;
- évaluation possible des immobilisations corporelles à leur valeur de remplacement (IAS 16) ;
- évaluation des éléments fongibles en stock selon la méthode FIFO (« premier entré, premier sorti ») ou au coût moyen pondéré (IAS 2) ;
- possibilité d’incorporer, dans l’évaluation des stocks de produits, les frais financiers correspondant à la période de fabrication ;
- réintégration des effets escomptés non échus et des cessions de créances commerciales ;
- possibilité d’inscrire, à l’actif du bilan, les biens relevant de contrats de crédit bail ;
- frais de développement inscrits à l’actif si les critères de l’IAS 38 sont satisfaits ;
- possibilité d’inscrire au compte de résultat consolidé les écarts actifs et passifs liés à la conversion des monnaies étrangères.
La seconde différence découle de la présence de postes nouveaux à l’actif et au passif du bilan. Ces rubriques n’existent pas dans le bilan traditionnel et il convient d’en faire une analyse financière rigoureuse. La logique fondamentale des opérations de consolidation est d’inclure les actifs réévalués des sociétés consolidées dans le bilan de la consolidante. Elle est aussi de faire ressortir les droits des actionnaires minoritaires au passif lorsque le capital des sociétés intégrées par la méthode globale n’est pas détenu en totalité par le groupe.
Actif consolidé
À l’actif, les immobilisations incorporelles, corporelles et financières reprendront les valeurs réévaluées des actifs des sociétés consolidées (en totalité ou en partie). Ces actifs sont substitués aux titres de participation détenus. La consolidation est donc l’occasion pour les groupes d’entreprises de réévaluer partiellement leur bilan, cela sans conséquence fiscale, par exemple en cas de plus-values. Prenons l’exemple simplifié d’une filiale dont l’entreprise a acquis 50 % du capital. On dispose des éléments suivants :
- valeur comptable des actifs : 1 500 ;
- valeur réelle des actifs : 1 700 ;
- dettes : 800 ;
- valeur comptable des capitaux propres : 700 ;
- valeur d’acquisition globale de l’entreprise : 1 000.
La différence globale d’évaluation entre le prix d’acquisition et l’actif net comptable est de :
1 000 – 700 = 300
À l’actif consolidé figureront donc les actifs réévalués pour leur valeur réelle, c’est-à-dire 1 700. L’écart avec la valeur nette comptable est un écart de réévaluation de 200 (= 1 700 – 1 500) qui se retrouvera au passif en capitaux propres. Cet écart, positif ou négatif, a pour origine la réévaluation d’éléments identifiables de l’actif immobilisé de la société consolidée. Les actifs consolidés ne reprennent donc que la partie de plus ou moins-value affectable poste par poste à ces actifs, ici 200, alors que l’écart entre la valeur d’acquisition globale retenue et la valeur nette comptable des capitaux propres est de 300 (= 1 000 – 700).
La différence entre la différence globale d’évaluation (300) et l’écart de réévaluation affectable individuellement aux actifs (200) est appelée écart d’acquisition ou encore survaleur. Par définition, cet écart est aussi égal à la différence entre la valeur d’acquisition d’une société et ses capitaux réévalués. Il est ici de + 100.
Il s’agit d’un écart résiduel dont la signification est complexe. S’il est positif, il représente « la fraction du prix payé en compensation des avantages que procure la prise de contrôle de l’entreprise : élimination d’une entreprise concurrente, assurance d’un approvisionnement ou d’un débouché, amélioration des conditions de production à l’étranger ». En résumé, cet écart exprime les avantages économiques futurs
escomptés lors de l’acquisition d’une entreprise. Dans ce cas, l’écart d’acquisition se trouve à l’actif du bilan et représente bien la matérialisation, lors de l’achat, d’une valeur économique. Le danger (pour un tiers) est bien évidemment celui d’une fausse valeur lorsqu’une entreprise en acquiert une autre à un prix trop élevé. On peut cependant supposer que l’acheteur effectue un calcul pertinent de la valeur économique d’un achat par rapport à ses projets stratégiques. L’analyste financier maintiendra donc le montant correspondant en immobilisations.
Étant donné le caractère fragile et instable des avantages économiques escomptés lors d’une acquisition d’entreprise, l’écart d’acquisition donne lieu à amortissement dans les comptes consolidés. Telle est la position de principe du PCG qui considère que les écarts d’acquisition positifs doivent être amortis sur une durée reflétant les hypothèses retenues lors de l’acquisition. L’amortissement est effectué linéairement sur des durées variant le plus souvent de cinq à vingt ans. Dans la mesure où la consolidation n’a pas de conséquences fiscales, l’amortissement de l’écart d’acquisition (ou survaleur) ne viendra pas modifier l’impôt de la société mère. P. Vernimmen fait remarquer que dans ces conditions, les groupes ont intérêt en norme PCG à amortir sur la durée la plus longue possible afin de réduire la minoration induite sur leur bénéfice consolidé.
Analyse de la survaleur
Un écart d’acquisition positif est au départ la matérialisation anticipée d’un gain sur la nature (en anglais goodwill). Le terme survaleur exprime ce que l’acheteur a été prêt à payer au-delà de la valeur statique actuelle en raison de l’existence de perspectives et de synergies futures. Considérer a priori l’écart d’acquisition comme une non valeur reviendrait à considérer que acheter une entreprise plus que la valeur de son actif comptable réévalué, c’est déjà payer trop cher !La question qui se pose est celle de la permanence dans le temps de ces gains sur la nature. Le principe d’un amortissement de la survaleur revient à considérer que l’écoulement du temps ou le changement technologique vont mécaniquement et linéairement faire disparaître les gains économiques sur la nature. Ces gains sont certes fragiles, mais ils peuvent être relativement durables. Faut-il dans ces conditions amortir la survaleur ? La réponse de la SFAF est nette : « A priori, non. Il n’y a pas de raison quand on fait une bonne acquisition que la société achetée perde de la valeur avec le temps. Amortir une survaleur, c’est considérer que la valeur normale de l’entreprise est la valeur d’actif corrigée le jour de
l’acquisition ».La méthode appropriée pour enregistrer des dépréciations de survaleur est donc davantage le provisionnement. Les normes comptables ratifient cette analyse. Avant 2002, la norme américaine proposait d’amortir la survaleur sur une durée maximale de 40 ans. Depuis janvier 2002, la règle FAS 142 « Goodwill and others intangible assets » pose que les écarts d’acquisition ne sont plus amortis, mais dépréciés. De son côté, la norme internationale IFRS 3 « Regroupement d’entreprise » pose le principe d’un test annuel de validation du montant de l’écart d’acquisition (« impairment test ») et interdit l’amortissement. En cas d’insuffisance, si le test est négatif, il faut provisionner la survaleur. Les IFRS donnent une place primordiale au provisionnement, l’amortissement étant remplacé par un test de
dépréciation annuel.L’analyse de la survaleur et de son traitement comptable est essentielle dans l’appréciation des comptes consolidés. Puisque l’amortissement de la survaleur tel qu’il se pratique dans le PCG ne semble pas être le mécanisme pertinent de correction de valeur de cet actif incorporel, cela signifie que la présence d’écritures de dotations aux amortissements doit être corrigée dans l’analyse des comptes de résultat consolidé.
Peut-on dire, comme pour une dotation aux amortissements classique, que l’entreprise s’est appauvrie du montant de la dotation aux amortissements de la survaleur ?. La réponse de P. Vernimenn est clairement négative. Pour celui-ci, l’amortissement de la survaleur comme un appauvrissement revient à compter deux fois la même chose.
Il convient davantage de voir la survaleur comme un résultat déjà anticipé et déjà payée au moment de l’acquisition. La dotation aux amortissements est « une sorte de reconstitution des capitaux propres » qui rappelle pour mémoire qu’une partie de ces bénéfices étaient déjà dans le prix. C’est la raison pour laquelle, avec raison, les analystes financiers corrigent le résultat net dans les comptes consolidés PCG en le considérant avant amortissement de la survaleur.
Le traitement des survaleurs en IFRS
Le goodwill représente le montant résiduel résultant de l’affectation du prix d’acquisition aux actifs et passifs identifiables et passifs éventuels de la cible au moment du rachat. Le suivi de sa valeur dans le temps, imposé par les normes IFRS en application de l’IAS 36, permet de mesurer le succès ou l’échec des acquisitions passées.
La norme IFRS 3 « Regroupement d’entreprise » concerne les opérations de croissance externe. Pour chaque acquisition, il faut désormais réaliser une affectation du prix d’acquisition (Purchase Price Allocation ou PPA). Cet exercice signifie affecter le prix d’acquisition aux actifs et passifs de la société acquise, sur la base de leurs valeurs de marché respectives. La consolidation conduit au même résultat. La valeur ou prix résiduel non affecté constitue alors le goodwill. Celui-ci représente une part très importante du prix d’acquisition. Le cabinet d’audit PriceWaterhouse, dans une étude des acquisitions effectuées en 2007 par les sociétés du CAC 40, estime que le goodwill représente dans la majorité des cas plus de 50 % du prix de transaction.
Chaque année ensuite, ce goodwill, qui n’est plus amorti, fait l’objet d’un test de dépréciation (ou test d’impairment). L’IAS 36 « Dépréciation des actifs non financiers » prévoit qu’un test de perte de valeur doit être effectué, au minimum une fois par an pour le goodwill et les immobilisations incorporelles non amortissables. Le test d’impairment des actifs incorporels en IFRS s’effectue à partir d’outils d’évaluation fondés sur les flux de trésorerie : taux d’actualisation, croissance des flux de trésorerie à long terme . Cela signifie de pouvoir définir les cash-flows. Le test d’impairment doit s’effectuer en comparant la valeur comptable des actifs à leur valeur recouvrable. Le classement comptable des provisions pour dépréciation de goodwill est délicat. On les trouve en pratique aussi bien en charges courantes qu’en charges non courantes. La provision est l’écart entre la valeur d’acquisition de l’actif et la valeur recouvrable. La valeur recouvrable est la valeur la plus élevée entre la valeur d’utilité et la juste valeur diminuée des coûts de cession.
L’évaluation est fondée sur la mise en œuvre de méthodes appropriées, qui font appel à l’actualisation des flux futurs de trésorerie ou à l’estimation des coûts de reconstitution de l’actif (valeur de remplacement). Cette évaluation des actifs incorporels s’avère souvent complexe, nécessitant l’intervention de spécialistes. Le test d’impairment requiert la mise en œuvre de procédures faisant également appel à des expertises en matière d’évaluation.
Un éventuel écart d’acquisition négatif ou badwill est possible. Il correspond à un prix d’acquisition qui prend en compte des prévisions de pertes, des difficultés (plan de restructuration, plan de licenciement…), ou un manque de rendement. Un écart négatif peut aussi traduire une acquisition réalisée dans des conditions avantageuses à un prix particulièrement bas. Dans les règles françaises et dans la grande généralité des cas, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’un calcul économique d’évaluation rigoureux, l’écart d’acquisition négatif figurera au passif du bilan consolidé dans le cadre d’une provision pour risque qui sera progressivement reprise sur cinq ans. La norme IFRS 3 prévoit, pour sa part, que les écarts d’acquisition négatifs doivent être éliminés par contrepartie des capitaux propres.
Enfin, on trouvera à l’actif consolidé un poste de « Titres mis en équivalence » qui correspond à, la valeur réévaluée des capitaux propres de la filiale en proportion des titres de participation détenus par l’entreprise. La méthode de mise en équivalence s’applique aux entreprises sur lesquelles la maison-mère exerce une influence notable (c’est-à-dire quand le pourcentage de détention est compris entre 20 et 50 %).
Le poste « Titres mis en équivalence a pour correspondant au passif, un poste d’écart d’équivalence qui figure en capitaux propres.
Passif consolidé
Le passif du bilan consolidé porte la marque de la présence de tiers que sont les autres actionnaires des sociétés consolidées. Ces tiers sont des apporteurs de capitaux externes assimilables en tous points aux actionnaires majoritaires. Leurs participation se retrouvera dans une rubrique spécifique distinguée des capitaux propres du groupe au sens strict.
Dans la rubrique des capitaux propres du groupe, le passif consolidé distingue trois postes particuliers (autre que celui d’écart d’équivalence) :
L’écart de réévaluation
C’est la contrepartie au passif de la plus-value dégagée sur les éléments d’actifs détenus dans les sociétés consolidées. Dans l’exemple pris plus haut, l’écart de réévaluation appartenant au groupe est sa quote-part de l’écart global : 300 × 50 % = 150
Si rien ne change, cet écart peut être amené à disparaître dans le temps au fur et à mesure de l’amortissement des éléments d’actifs immobilisés consolidés et du provissonnement de la survaleur.
L’écart de conversion
Il trouve son origine dans la consolidation des comptes d’entreprises étrangères. Les variations des taux de change créent des distorsions complexes lorsque la société consolidée présente des comptes libellés en monnaie étrangère. Les méthodes de conversion applicables sont, soit celle du taux de change de clôture, soit celle du taux de change historique. Sans entrer dans le détail, ces méthodes qui convertissent les postes du bilan et du compte de résultat à des taux de change différents entraînent des écarts de conversion positifs ou négatifs qui sont l’expression de gains de change comptables. Dans la méthode du taux de change de clôture, l’écart de conversion figure dans les capitaux propres consolidés pour la partie appartenant au groupe. La quote-part ayant trait aux actionnaires hors groupe se retrouvera dans les « intérêts minoritaires ». L’analyste financier laisse donc les écarts de conversion dans les capitaux propres consolidés.
Les intérêts minoritaires
La rubrique « Intérêts hors groupe » ou « Intérêts minoritaires » est spécifique aux comptes consolidés. Elle trouve son origine dans l’application de la méthode d’intégration globale lorsque la société-mère ne détient pas 100 % du capital de la société consolidée. Les intérêts minoritaires reprennent sous un intitulé global la fraction des capitaux propres non détenus par le groupe et ses propres actionnaires. Elles additionne la quote-part :
– des capitaux propres comptables (700 50 %) ;
– de l’écart de réévaluation (300 50 % dans l’exemple présenté) ;
– du résultat global bénéficiaire ou déficitaire ;
– de l’écart de conversion, revenant aux actionnaires autres que ceux du groupe.
Enfin, on a signalé qu’un écart d’acquisition négatif s’inscrivait au passif en provision pour risques. Cette inscription compense une valeur affectée aux immobilisations trop élevée par rapport au prix d’acquisition de la filiale. L’analyste financier sera donc conduit à déduire de l’actif immobilisé le montant de l’écart d’acquisition négatif qui est, en l’espèce, une non-valeur. Symétriquement, il retranchera le même montant des provisions pour risques au passif.
La norme IFRS 3 prévoit le reclassement systématique des intérêts minoritaires dans les capitaux propres. Pour le créancier, ceux-ci vont effectivement élargir la surface financière du groupe et renforcent sa solvabilité. Toutefois dans une optique de valorisation de la société-mère, il faut les exclure car ils ne correspondent pas au patrimoine net des actionnaires de la société-mère.
Impôts différés
La consolidation se traduit aussi par l’apparition au passif (voire dans certains cas aussi à l’actif) d’un poste d’impôts différés qui correspond à une dette (créances) fiscale potentielle. Celui-ci trouve son origine dans des différences temporelles entre le paiement de l’impôt et la base imposable constatée dans le bilan consolidé. Par exemple, une plus-value potentielle reprise dans les capitaux propres ne sera taxée que lors de son encaissement futur. Des impôts différés apparaissent aussi dés qu’il existe une différence entre la valeur inscrite en comptabilité et la valeur fiscale. Ils peuvent aussi correspondre à des créances à mettre à l’actif en cas de report de pertes fiscales, de report de crédits d’impôts ou de moins-values potentiellement déductibles.
La norme IAS 12 prescrit d’intégrer dans le résultat tous les impôts qu’ils soient exigibles ou différés. Elle introduit une différence entre l’impôt exigible et l’impôt différé. Les impôts exigibles sont ceux qui résultent du bénéfice d’un exercice et sont payables (ou récupérables) au titre de cet exercice. C’est le principe standard du PCG. Les impôts différés correspondent à la prise en compte de conséquences fiscales futures. Il existe des effets d’impôts différés qui proviennent de décalages de temps soit dans le passé (en arrière), soit en avant. Il faut, dans la norme IAS 12, tenir compte de ces reports d’impôts positifs ou négatifs. La méthode du report d’impôts est appliquée en suivant une conception bilantielle, c’est-à-dire que toutes ces différences temporelles doivent être prises en compte comme créances ou dettes de l’exercice.
Cela se traduit par la présence au bilan de postes d’« impôts différésactif » (IDA) ou d’« impôts différés-passif » (IDP). Les impôts différés-actif représentent les montants d’impôts sur le résultat qui sont recouvrables ou récupérables au cours des exercices futurs. Ils trouvent leur source dans :
– des reports en avant de pertes fiscales non utilisées ;
– des reports en avant de crédits d’impôts non utilisés.
De manière symétrique, les impôts différés-passif sont les montants d’impôts sur le résultat payable au cours d’exercices futurs au titre de différences temporelles imposables.
Les impôts différés sont obligatoirement constatés en comptes consolidés et en IFRS. Dans la grande majorité des cas, ils ne sont pas constatés en comptes individuels. On ne peut pas pour autant dire que les comptes sociaux sont faux car les impôts différés sont une construction intellectuelle fondée sur une hypothèse concernant l’avenir de l’entreprise. Ils ne sont pas assimilables à des éléments du besoin en fonds de roulement comme un stock ou une dette fournisseur.
Les impôts différés-actif sont généralement constitués des reports fiscaux déficitaires activés. Dans la perspective d’un redressement de l’entreprise, ils deviendront effectivement des créances sous forme d’économie d’impôt. Il faut pour cela analyser et apprécier la capacité bénéficiaire future de la ou des sociétés concernées. La tentation de l’entreprise en perte est d’activer purement et simplement des reports déficitaires passés. Les impôts différés-actif sont aussi constatés en cas d’écart entre les bases fiscales et comptables.
En France, les certaines provisions (provisions pour retraites, pour risques environnementaux…) ne sont pas fiscalement déductibles des comptes sociaux au moment de leur comptabilisation. Ce n’est qu’au moment où la charge est constatée que celle-ci est fiscalement déductible. La règle comptable en comptes consolidés et en IFRS est différente puisqu’elle postule d’intégrer fiscalement les impôts différés, c’est-à-dire ici qu’on va tenir compte d’une créance fiscale liée au paiement en avance d’un impôt. Vernimmen estime que, dans ce cas, cet actif correspond à un impôt déjà payé mais est considéré comptablement comme une charge future. « À la différence d’un stock de matières premières qui a été payé et qui est aussi une charge future, il n’a aucune valeur vénale ». Les impôts différés sont de « pure construction intellectuelle ». Cela revient à activer une charge dans le cas de comptes consolidés.
Le traitement des impôts différés-actif (hormis le cas des reports déficitaires avec hypothèse de bénéfices futurs, voir ci-dessous) consiste à les considérer comme des non-valeurs et à les imputer en moins sur les capitaux propres. Les impôts différés au passif du bilan doivent être considérés comme des dettes durables.
Report en avant d’un déficit
Un groupe réalise une perte comptable et fiscale, avant impôt de 99 à l’exercice N. D’un point de vue fiscal, l’impôt dû est zéro. D’un point de vue comptable, et si l’entreprise a de bonnes chances de réaliser des profits futurs lui permettant d’utiliser ce report fiscal déficitaire, la perte de 99 sera réduite d’un crédit d’impôt de 33. Elle s’établira donc comptablement à 66.Pour permettre l’équilibrage des comptes, un impôt différé actif sera créé à l’actif du bilan pour 33 par contrepartie de la constatation en produit d’impôt différé au compte de résultat. Jusqu’à ce que la créance fiscale potentielle se matérialise, elle se retrouve donc en capitaux propres (par une moindre perte comptable que si il n’y avait pas eu comptabilisation d’impôts différés). En N + 1, si le groupe fait un profit comptable et fiscal de 99, son impôt à payer sera nul puisque le report fiscal déficitaire sera utilisé pour compenser le résultat fiscal. D’un point de vue comptable, on constatera une charge d’impôt totalement théorique de 33 et l’on ramènera à zéro l’impôt différé-actif constaté précédemment au bilan N.
L’impôt différé actif a été créé par réduction du montant de la perte comptable nette et donc en accroissant d’autant les capitaux propres. D’un point de vue financier, il n’a de valeur que pour autant que l’exploitation future soit capable de générer des profits suffisants. En aucun cas il ne constitue un actif classique que l’on pourrait céder contre des liquidités. Il n’est surtout pas un élément du BFR car il ne résulte pas d’un décalage entre une facturation et un paiement.
Financièrement, on le considérera comme un actif immobilisé si on pense que des profits futurs permettront de matérialiser cette créance. À défaut, il faut le retirer des capitaux propres si on a des doutes sur la capacité bénéficiaire future de l’entreprise.
Les postes de l’actif et du passif apparaissant spécifiques dans le bilan consolidé sont repris dans le tableau suivant:
Incidence de la consolidation
Filiale à 50 % ; données cf. texte ; * pm : pour mémoire.
Incidence des normes IFRS
Le référentiel IFRS introduit des spécificités particulières au niveau du bilan consolidé. L’IAS 12 « Impôts » impose de comptabiliser au passif l’impôt différé sur les marques. Celles-ci ont une valeur fiscale nulle lorsqu’elles sont créés par l’entreprise. Leur valeur réévaluée donne lieu à un calcul d’impôt qui a un caractère potentiel et ne donnera lieu à décaissement que si la marque était cédée. L’IAS 12 est
plus exigeant que le référentiel français (réglement CNC n° 99-02) pour lequel il n’y a pas lieu de constater un impôt différé sur les marques.
Le retraitement est semblable pour les plus-values sur titres mis en équivalence : l’impôt potentiel est ignoré dans le système de normes françaises, mais doit être constaté en IFRS. Pour estimer les impôts différés dans le futur, l’IAS 12 interdit, de plus, l’utilisation de l’actualisation (permise dans le référentiel français). Enfin, l’IAS 32 impose la comptabilisation en dettes des options de vente (« puts ») ou des offres de rachat accordées aux minoritaires. Les normes françaises considèrent les offres de rachat à des prix fixés comme des engagements hors bilan. L’écart entre la valeur actuelle de l’offre et celle des intérêts minoritaires concernés est imputé (en plus ou en moins) sur les capitaux propres.
Je suis très contant de suivre les notions et leurs exercices pour mieux améliorer et élargir mes connaissances