L’émergence des groupes de sociétés induit un besoin d’information particulier : l’élaboration d’états financiers consolidés vise à le satisfaire. Consolider, c’est élaborer des états financiers (bilan, compte de résultat et annexe consolidés) reflétant la situation du groupe. Les dispositions légales relatives à la consolidation des comptes sont organisées par l’arrêté du 22 juin 1999. La présentation de comptes consolidés est obligatoire pour les sociétés qui contrôlent de façon exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres sociétés ou qui exercent sur ces dernières une influence notable. En sont dispensées les sociétés non cotées à la tête de groupes qui ne dépassent pas durant deux exercices successifs 2 des 3 seuils suivants :
– total du bilan : 1 5 millions d’euros,
– total du chiffre d’affaires : 30 millions d’euros,
– effectif : 250 personnes.
Pour le calcul de ces seuils, on ne retient pas les sociétés sous influence notable.
L’ arrêté de 1 999 prévoit l’utilisation de trois méthodes de consolidation, en fonction du type de relation existant entre la société-mère et les sociétés liées. L’ensemble des sociétés consolidées constitue le « périmètre de consolidation ».
Modes de contrôle et méthodes de consolidation
L’arrêté pré-cité classe les types de contrôle exercés par la société mère (ou « société consolidante ») sur les sociétés liées. Lors de l’établissement des comptes consolidés d’un groupe, on utilisera trois méthodes de consolidation en fonction de ces modes de contrôle.
Contrôle exclusif
C’est le pouvoir de diriger les politiques financières et opérationnelles d’une entreprise. Il résulte :
- soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote ;
- soit de la désignation pendant deux exercices successifs de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance ;
- du droit d’exercer une influence dominante en vertu d’un contrat ou de clauses statutaires (même en l’absence de liens capitalistiques entre les deux sociétés).
Contrôle conjoint
Partage du contrôle d’une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d’associés, de sorte que les politiques financières et opérationnelles résultent de leur accord.
Influence notable
C’est le pouvoir de participer aux politiques financières et opérationnelles d’une entreprise sans la contrôler. Elle est présumée lorsque 20 % au moins des droits de vote sont détenus par le groupe.
Pourcentage de contrôle ; pourcentage d’intérêt
Le pourcentage de contrôle permet de choisir la méthode à appliquer lors de la consolidation d’une société du groupe. Il représente le pourcentage des droits de vote détenus directement ou indirectement par la société consolidante. Il détermine l’étendue du périmètre de consolidation et explicite le lien de dépendance entre la société-mère et une société liée.
Une fois la méthode retenue, le pourcentage d’intérêt est utilisé dans le cadre de l’application de la méthode. Il représente la quote-part du patrimoine de la filiale ou de la participation détenue directement ou indirectement par la société consolidante. Il détermine l’étendue des intérêts hors-groupe.
Si la société mère ne détient que des participations directes, pourcentages de contrôle et d’intérêt coïncident.
Par contre, en cas de participations indirectes, une participation inférieure à 50 % entraîne une rupture de contrôle, alors que les pourcentages d’intérêt se calculent en chaîne de produits.
Exclusions du périmètre de consolidation
Des sociétés contrôlées ou sous influence notable peuvent être exclues du périmètre de consolidation. Deux types d’exclusion sont prévus par la réglementation :
• Exclusions obligatoires
Les titres ont été acquis en vue d’une cession ultérieure, ou bien des restrictions remettent en cause le contrôle sur la société concernée ou la possibilité de transferts de trésorerie.
• Exclusions optionnelles
La filiale ou la participation ne présente qu’un intérêt non significatif, ou l’obtention des informations nécessaires à la consolidation entraîne un coût excessif.
Remarques:
• Les travaux de consolidation s’effectuent à partir des états financiers des sociétés consolidées ; ils respectent les principes comptables fondamentaux et sont fortement influencés par les normes internationales. Depuis le 1er janvier 2005, les sociétés européennes cotées sont tenues d’établir leurs comptes consolidés conformément aux normes internationales (normes IFRS).
• En France, les sociétés non cotées peuvent opter pour l’application des normes IFRS lors de l’établissement de leurs comptes consolidés. En ce qui concerne les principes de la consolidation, normes internationales et normes françaises sont fortement convergentes.
• Chaque année, le périmètre de consolidation varie : le travail de consolidation est donc recommencé à la clôture de chaque exercice comptable.
Application:
La société anonyme Agro-Alim est à la tête d’un groupe qui porte le même nom. Le tableau suivant indique les liens financiers entre les sociétés du groupe :
La SA Provence-Alim est détenue à parts égales avec deux autres sociétés qui détiennent chacune 33 % du capital. Le capital de la SA Bébé-Alim est constitué à concurrence de 20 % d’actions de préférence sans droit de vote (la SA Agro-Alim n’en détient aucune).
Dans un tableau, pour chaque société du groupe :
– calculer le pourcentage de contrôle de la SA Agro-Alim ;
– indiquer si les sociétés sont incluses dans le périmètre de consolidation ;
– préciser le type de contrôle exercé ;
– indiquer la méthode de consolidation à appliquer pour chaque société incluse dans le périmètre de consolidation ;
– calculer le pourcentage d’intérêt de la SA Agro-Alim.
Corrigé:
Analyse de la situation des différentes sociétés du groupe.
l . 50 % / 80 % (présence d’actions de préférence)
Méthodes de consolidation des comptes
Chaque année, le périmètre de consolidation du groupe est délimité. On établit ainsi la liste des sociétés à consolider et l a méthode de consolidation à appliquer à chacune d’elles.
En général, le travail de consolidation s’effectue au sein d’un journal de consolidation tenu par la société consolidante. La première écriture consiste à reprendre le bilan et le compte de résultat de la société mère tels qu’ils se présentent à la clôture de l’exercice (les titres figurant à l’ actif sont donc repris dans le journal de consolidation). Puis, sont traités les états financiers de chaque société consolidée, selon la méthode retenue pour chacune.
Il y a trois méthodes de consolidation des comptes:
- Méthode de l’intégration globale
- Méthode de l’intégration proportionnelle
- Méthode de la mise en équivalence
Méthode de l’intégration globale
Elle consiste à :
– intégrer dans les comptes de l’entreprise consolidante les éléments du bilan et du résultat de l’entreprise consolidée après retraitements éventuels ;
– éliminer les opérations et comptes les concernant réciproquement ;
– répartir les capitaux propres et le résultat entre les intérêts de l’entreprise consolidante et les intérêts des autres sociétés dits « intérêts minoritaires » .
a. Démarche générale
• Reprise des états financiers de la société consolidée.
• Retraitements de consolidation (élimination des opérations internes au groupe et des écritures d’origine fiscale).
• Élimination des titres de la filiale figurant dans les comptes consolidés et mise en évidence des intérêts hors groupe.
b. Élimination des titres de la filiale
Nous n’abordons pas ici les écritures de retraitement. Une fois ces dernières enregistrées, la phase finale de la consolidation intervient.
Elle consiste à effectuer les calculs suivants, pour chaque filiale intégrée globalement.
(Capitaux propres de la filiale x % d’intérêt du groupe) – Valeur d’achat des titres filiale = Différence de consolidation
(Capitaux propres de la filiale x % d’intérêt hors groupe) = Intérêts minoritaires
(Résultat retraité de la filiale x % d’intérêt du groupe) = Résultat groupe
(Résultat retraité de la filiale x % d’intérêt hors groupe) = Intérêts minoritaires
Ce calcul se traduit ainsi en écritures comptables :
(Avec CP = Capitaux propres de la filiale
CF = Capital filiale
RF = Réserves filiale
PA = Prix d’achat des titres
DC = Différence de consolidation
IHG = Intérêts hors groupe
RFA = Résultat filiale
RHG = Résultat hors groupe
RG = Résultat groupe)
Après retraitements, le résultat société mère et les réserves société mère sont virés aux comptes « Résultat consolidé » et « Réserves consolidées » dont les soldes figureront au bilan consolidé.
Méthode de l’intégration proportionnelle
Elle consiste à :
- intégrer dans les comptes de l’entreprise consolidante la fraction représentative des intérêts de l’entreprise détentrice des titres dans les éléments du bilan et du résultat de l’entreprise consolidée après retraitements éventuels ;
- éliminer les opérations et comptes les concernant réciproquement.
a. Démarche générale
• Reprise des états financiers de la société consolidée à concurrence du pourcentage d’intérêt du groupe.
• Retraitements de consolidation (élimination des opérations internes au groupe et des écritures d’origine fiscale).
• Élimination des titres de la filiale figurant dans les comptes consolidés (pas d’intérêts hors groupe).
b. Élimination des titres de la filiale
Élimination des titres – Intégration proportionnelle
La différence de consolidation se calcule de la même manière qu’en intégration globale. Cependant, les intérêts minoritaires ne sont pas mis en évidence puisque seule la fraction revenant au groupe consolidant a été reprise initialement.
Écriture d’élimination des titres :
Méthode de la mise en équivalence
Dans le cadre de cette méthode, les soldes des comptes de la filiale ne sont pas repris. Les retraitements sur opérations internes au groupe sont limités aux montants significatifs et revêtent une forme particulière ; ils dépassent le cadre de cet ouvrage. Le retraitement des titres consiste à remplacer leur valeur comptable par la quote-part des capitaux propres (résultat inclus) de la filiale détenue par le groupe.
Avec :
PA = Valeur d’ achat des titres
CF = Capital filiale
RF = Réserves filiale
rF = Résultat filiale
QPC = (CF + RF) x % d’intérêt du groupe
DC = Différence de consolidation = QPC – PA
QPr = rF x % d’intérêt du groupe
QP = QPC + QPr
Les écritures de retraitement des titres sont les suivantes :
Remarques:
• Les écritures de retraitement sont souvent précédées d’écritures d’homogénéisation, qui visent à transcrire l’ensemble des comptes selon les mêmes procédures comptables. Ces corrections dites de « pré-consolidation » ne sont pas abordées ici.
• L’élimination des titres (méthode de l’intégration globale et méthode de l’intégration proportionnelle) prend place dans l’hypothèse où les titres de la filiale ont été souscrits lors de sa constitution. Le problème serait plus complexe dans le cas contraire (présence d’un « écart de première consolidation », dont l’étude dépasse le cadre du présent ouvrage).
• La tenue d’un journal de consolidation a été ici privilégiée. Il est possible aussi de présenter la consolidation en utilisant la « méthode des tableaux ». Les calculs s’effectuent alors dans des tableaux qui reprennent l’ensemble des comptes des sociétés consolidées (corrections ligne par ligne).
La société M est à la tête d’un groupe ; elle détient 80 % du capital de la société A, 50 % du capital de la société B (contrôle conjoint) et 25 % du capital de la société C. Au 31 décembre N , les bilans des sociétés se présentent ainsi (en k€} :
1 . Déterminer les méthodes de consolidation à appliquer.
2. Présenter le calcul de la différence de consolidation à comptabiliser lors de l’élimination des titres A.
3. Présenter, dans le journal de consolidation, les écritures de consolidation des comptes du groupe M .
4. Présenter le bilan schématique consolidé du groupe M.
Corrigé:
1 . Méthodes consolidation à appliquer
• Société A : Elle est sous contrôle exclusif du groupe (détention directe de la majorité des droits de vote). La méthode de consolidation à appliquer est celle de l’intégration globale.
• Société B : Elle est sous contrôle conjoint. La méthode de consolidation à appliquer est celle de l’intégration proportionnelle.
• Société C : Le groupe détient 25 % des droits de vote et la société n’est pas sous contrôle conjoint. Donc la méthode de consolidation à retenir est celle de la mise en équivalence.
2. Calcul de la différence de consolidation à comptabiliser lors de l’élimination des titres A (en k€)
Le pourcentage d’intérêt retenu dans les calculs correspond au pourcentage de contrôle direct : 80 %.
• Capital A : 500
• Réserves A : 200
Capitaux propres A : 700
• Part du groupe : 80 % 560
• Valeur des titres A : 400
Différence de consolidation : 160
Intérêts hors groupe : 20 % de 700 = 1 40
La différence de consolidation est à porter au crédit du compte » Réserves M . Les intérêts hors groupe figureront au crédit du compte » Intérêts minoritaires » .
3. Journal de consolidation du groupe M (écritures datées d u 31 décembre N)
4. Bilan consolidé du groupe M (en k€)
Remarques:
On ne disposait ici que des bilans ; seuls ces derniers ont donc été consolidés. La consolidation porte aussi sur les comptes de résultat.
Les numéros de comptes ne sont pas indiqués dans les écritures : chaque groupe établit son plan comptable de consolidation en vue des écritures de consolidation.